Un
Philosophe austère, et né dans la
Scythie,
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Vovagea chez les
Grecs, et vit en certains lieux
Un
Sage assez semblable au vieillard de
Virgile,
Homme égalant les rois, homme approchant des
Dieux,
Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.
Son bonheur consistoit aux beautés d'un jardin.
Le
Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main.
De ses arbres à fruit retranchoit l'inutile,
Ebranchoit, émondoit, ôtoit ceci, cela.
Corrigeant partout la nature,
Excessive à payer ses soins avec usure.
Le
Scythe alors lui demanda : «
Pourquoi cette ruine? Étoit-il d'homme sage
De mutiler ainsi ces pauvres habitants?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage:
Laissez agir la faux du
Temps :
Ils iront assez tôt border le noir rivage. —
J'ôte le superflu, dit l'autre, et l'abattant,
Le reste en profite d'autant. »
Le
Scythe, retourné dans sa triste demeure,
Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure;
Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
Un universel abatis.
Il ôte de chez lui les branches les plus belles.
Il tronque son verger contre toute raison,
Sans observer temps ni saison,
Lunes ni vieilles ni nouvelles.
Tout languit et tout meurt.
Ce
Scythe exprime bien
Un indiscret stoïcien :
Celui-ci retranche de l'âme
Désirs et passions, le bon et le mauvais,
Jusqu'aux plus innocents souhaits.
Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
Ils ôtent à nos cceurs le principal ressort;
Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012