Ô petit square, ennuyeux et charmant,
Où, lorsque j'ai fini mes cours, je pense
Philosophiquement, tout en fumant, À d'autres squares, frais et verts, en
France...
Petit square, minable et poussiéreux,
Avec de grêles, grises plates-bandes,
Sur ton banc bleu, je fus très malheureux,
Tendant mes mains avides, et trop grandes,
Et même trop lasses pour se fermer
Sur mes rêves.
Je hais ton arbre, unique
Et chlorotique, qui, ce soir de mai,
Vert-de-grisé de lumière électrique,
Eteint la luciole et le croissant.
Je hais tes fleurs, sans parfums et sans flamme ;
Ton mur de brique, étouffant, oppressant, Ô jardin, ta possibilité d'âme ;
Tes trop rectilignes massifs, avec
Des écriteaux disant ce qu'il faut faire ;
Et ton temple, qui voudrait être grec...
Mais je te hais surtout, ô petit square,
De n'être qu'un bourgeois et faux décor
Où s'assoient, épongeant leur chauve tête,
De gros messieurs, avec des chaînes d'or,
Qui savourent leur digestion bête.
Et je rêve aux jardins
Ypsilanti
Où les bouvreuils, frêles flûtes de jade,
Mêlaient leurs voix au
Bosphore alenti,
Et des rires venaient de l'ambassade...
Mais je songe surtout au
Luxembourg
Où j'écoutais
Sa voix, française et fine,
Me murmurer, dans l'or mourant du jour,
La tristesse ardente de
Jean
Racine.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012