Un
Lion, décrépit, goutteux, n'en pouvant plus,
Vouloit que l'on trouvât remède à la vieillesse.
Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce
Manda des médecins; il en est de tous arts.
Médecins au
Lion viennent de toutes parts;
De tous côtés lui vient des donneurs-de recettes.
Dans les visites qui sont faites,
Le
Renard se dispense et se tient clos et coi.
Le
Loup en fait sa cour, daube, au coucher du
Roi,
Son camarade absent.
Le
Prince tout à l'heure
Veut qu'on aille enfumer
Renard dans sa demeure,
Qu'on le fasse venir.
Il vient, est présenté;
Et, sachant que le
Loup lui faisoit cette affaire : «
Je crains,
Sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère
Ne m'ait à mépris imputé
D'avoir différé cet hommage;
Mais j'étois en pèlerinage,
Et m'acquittois d'un vœu fait pour votre santé.
Même j'ai vu dans mon voyage
Gens experts et savants, leur ai dit la langueur
Dont
Votre
Majesté craint, à bon droit, la suite.
Vous ne manquez que de chaleur;
Le long âge en vous l'a détruite.
D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante;
Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire
Loup vous servira,
S'il vous plaît, de robe de chambre. »
Le
Roi goûte cet avis-là :
On. écorche, on taille, on démembre
Messire
Loup.
Le
Monarque en soupa.
Et de sa peau s'enveloppa.
Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire;
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire.
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien.
Les daubeurs ont leur tour d'une ou d'autre manière
Vous êtes dans une carrière
Où l'on ne se pardonne rien.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012