Poèmes

Le Cerf se Voyant dans L'Eau

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Dans le cristal d'une fontaine
Un
Cerf se mirant autrefois
Louoit la beauté de son bois,
Et ne pouvoit qu'avecque peine
Souffrir ses jambes de fuseaux.
Dont il voyoit l'objet se perdre dans les eaux. «
Quelle proportion de mes pieds à ma tête?
Disoit-il en. voyant leur ombre avec douleur :
Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte;
Mes pieds ne me font point d'honneur. »
Tout en parlant de la sorte,
Un limier le fait partir.
Il tâche à se garantir;
Dans les forêts il s'emporte.
Son bois, dommageable ornement.
L'arrêtant à chaque moment.
Nuit à l'office que lui rendent

Ses pieds, de qui ses jours dépendent.
Il se dédit alors, et maudit les présents
Que le
Ciel lui fait tous les ans.

Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile;

•Et le beau souvent nous détruit.
Ce
Cerf blâme ses pieds, qui le rendent agile;
Il estime un bois qui lui nuit.



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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