Poèmes

Le Chameau et les Batons Flottants

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Le premier qui vit un
Chameau

S'enfuit à cet objet nouveau;
Le second approcha; le troisième osa faire

Un licou pour le
Dromadaire.
L'accoutumance ainsi nous rend tout familier :
Ce qui nous paroissoit terrible et singulier

S'apprivoise avec notre vue

Quand ce vient à la continue

Et puisque nous voici tombés sur ce sujet,

On avoit mis des gens au guet.
Qui voyant sur les eaux de loin certain objet,

Ne purent s'empêcher de dire

Que c'étoit un puissant navire.
Quelques moments après, l'objet devint brûlot.

Et puis nacelle, et puis ballot,

Enfin bâtons flottants sur l'onde.

J'en sais beaucoup de par le monde
A qui ceci conviendroit bien :
De loin, c'est quelque chose; et de près, ce n'est rien.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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