Poèmes

Le Cerf Malade

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

En pays pleins de cerfs, un
Cerf tomba malade.
Incontinent maint camarade

Accourt à son grabat le voir, le secourir,

Le consoler du moins : multitude importune. «
Eh!
Messieurs, laissez-moi mourir :
Permettez qu'en forme commune

La
Parque m'expédie; et finissez vos pleurs. »
Point du tout : les consolateurs

De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent.
Quand il plut à
Dieu s'en allèrent :
Ce ne fut pas sans boire un coup,

C'est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.

Tout se mit à brouter les bois du voisinage.

La pitance du
Cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien à frire :
D'un mal il tomba dans un pire,
Et se vit réduit à la fin
A jeûner et mourir de faim.

Il en coûte à qui vous réclame.
Médecins du corps et de l'âme!
O temps! ô mœurs! j'ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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