1
Il n'y a pas de maint 11 n'y a pat de bouches
je devais rencontrer des hommes dans la nuit dure comme un arbre
il n'y a pas de lune il y a des genoux pris dans la glace avec des sanglots
2
On m'avait dit dans les auberges
tu trouveras devant la ville des cavaliers aux mêmes armes et des lépreux aux mêmes meurtres
il sont venus du nord amer ils ont troué le même sud ils ont traîné leurs violences de l'est noir à l'ouest blanc
on m'avait dit avec des rires
tu verras à droite et à gauche des enfants aux mêmes saveurs et des femmes aux mêmes yeux
3
Ce pays m'était inconnu j'avais mangé dans ma maison j'avais bu avant de partir et oublié qu'ils avaient ri
on m'avait dit
tu ne pourras pas te tromper c'est là-bas au bout de la lande entre l'usine et les tombeaux
ils remontent de la
Camargue ils sont nombreux comme des pierres ils ont tous les mêmes attentes et les mêmes tambours blafards
leurs péchés leurs joies leurs angoisses sont plus semblables que des larmes ils ont construit les mêmes tours et porté les mêmes drapeaux
ils ont mené la même guerre ils ont servi ils ont trahi ils sont entrés dans la colère avec les mêmes voluptés
4
On m'avait dit
ils sont des frères dans le bonheur et dans le mal
ils ont mordu la même viande et rejeté le même dieu ils ont sué saigné dormi dans les mêmes draps de fureur
ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans le tumulte capital
j'écoutais
je ne savais pas
que de l'autre côté du fleuve
éclataient comme un cor des cœurs ensevelis
5
Il n'y avait rien debout il n'y avait rien d'assis sur le goudron crevé
il n'y avait rien que des corbeaux et des traces de roues
il y avait du sang séché contre les dalles
j'ai cherché
j'ai cherché longtemps
le bruit des hommes
6
On m'avait dit pourtant
tu les reconnaîtras à leur espoir à leurs audaces à leurs fois
tu descendras vers leurs marchés comme un voyageur effrayant
ils ne te vendront pas de fruits ils t'apprendront à te lever dans l'honneur rouge des révoltes
ils t'apprendront la loi nouvelle
tu verras comme ils chantent bien avec la langue des sorciers
les mendiants ne mendieront plus les riches ne feront plus l'aumône il y aura du pain pour tous et du feu pour les amants
il y aura des pommes mûres à l'envie de tous les couteaux
tu parleras vite leur langue ils ont l'espoir d'être heureux
7
Je n'entends pas leurs voix sous les arbres
je ne les entends pas hurler comme on me l'avait dit
les paralytiques auront des lits les pendus les parias les pestiférés auront des feuilles fraîches pour s'étendre
il y aura des hôpitaux pour les filles il y aura du lait pour les douloureux
les aveugles les muets les sourds ne mettront plus leurs pas dans les pas bleus des assassins
il y aura des lampes
dans les corridors
8
et des terrasses
pour les rois et pour les bouffons
Je n'ai pai peur
de cet collines qui tonnent
je n'ai pai peur
du halètement de ces villes
où il n'y a pas de maîtres
je n'ai pas peur de ces rues monstrueuses où tous les hommes reculent avec les mêmes vêtements et les mêmes désirs
je les aimerais si je les trouvais
mais il n'y a rien entre les vignes
9
On m'avait dit
ils ont écrit les livres de la fête ils ont remis la chair à sa place ils ont remis l'âme dans la chair ils ont l'avenir de ceux qui osent
on m'avait dit que des choses étranges sortaient de leurs mains comme le bonheur
et qu'ils savaient donner
la puissance sans l'inquiétude
un garçon doux comme une orange m'avait dit qu'ils étaient bons
je ne sentais pas leur odeur
10
O la ronde des petites filles qui se tenaient par les épaules
derrière elles
ils font des typhons
à renverser comme des nuques
toutes les planètes
ils font des machines
ils font des calculs
ils font des alcools à changer la vie
ils font du sang et des fleurs
il n'y avait pas d'hommes au milieu des dunes
11
Un saltimbanque jouait la ballade aux quatre oiseaux poings ouverts ou poings fermés des noyés et matelots
clairons d'été clairons d'automne
nous sommes neufs nous sommes fous comme la
LIBERTÉ
je l'avais cru
il me souvient aussi des sérénades de midi et des violons vermeils qui brûlaient
il n'y aura plus d'ouvriers il n'y aura plus de bourgeois nous sommes magnifiques comme
L'ÉGALITÉ
je ne sais plus très bien
les mots de la pitié
qui incendiaient leurs dents
ils m'avaient dit
nous sommes terribles comme la
FRATERNITÉ
je leur avais tendu la main
il n'y a rien devant la ville
la nuit coule la nuit s'en va
où est le coq où est le coq
12
Toutes les savanes sont vides
il n'y a plus d'hommes aux portes
il y a des massacres
il y a des ruines
il y a la grande angoisse accrue
on me retrouvera
demain
avec les veuves
et les inconsolées
on me rapportera sur un brancard
on jettera sur moi la terre des détresses si je ne quitte pas le silence
13
On ne mentait pas
pourtant
dans les anciennes chambres
on m'avait juré qu'ils vivaient
ils ont l'héroïsme ils ont le courage ils ont la menace des forts
tu les aimeras ils te tueront si tu les trahis
14
Je n'entends rien je ne vois rien
tout le poids de ma solitude me rentre dans la gorge
il y a des serpents dans la bruyère
il y a l'épouvante
des exilés
15
On m'avait promis la joie
on m'avait dit
tu ne seras plus un étranger
oh je connais toutes les plaies et toutes les misères
j'ai compté maintenant les branches
j'ai eu le temps
de tout compter dans ce brouillard
je me suis épaissi de malheurs
on n'osera plus me toucher
16
Il y a quelqu'un qui s'approche
il y a quelqu'un qui sort de la pluie comme une bête
il y a enfin
quelque chose qui marche
et qui enfonce les remparts
il y a un taureau noir devant moi
17
Il ne passe pas
il ne pousse pas son muffle
vers mes os
il s'enferme dans sa race avec sa gloire
il est beau
il sent des décembres
il vient pour tuer
on a coupé ses cornes
18
Il y a un cadavre d'homme sous son ventre
il n'en peut plus il va tomber il va mourir
on a brûlé toutes les herbes
19
Les hommes ne sont pas venus les hommes ne veulent plus venir
il n'y a plus de justice il n'y a plus d'amour ici
il y a un taureau noir il y a un taureau mort devant moi qui les a tués
À l'origine l'amande et le gui frais des résines puis derrière la légende l'autre source : les racines du pur silence sacré dont le mythe seul fait naître dans le
néant célébré l'or véritable de l'être...
(...)
Sitôt que sous les algues l'huître comme les tranches d'un fruit pur s'ouvre au sud derrière la vitre où me fascine le futur
— que ce blanc venin qui me tue à l'instant même de mon vœu d'un autre sable constitue la fable vermeille du dieu !
* **
Langue amère, langue menteuse la nuit doit-elle t'imprégner de la faute la plus juteuse pour t'apprendre comment régner
par énigmatique aromate sur les songes de ce menhir dont la légende ne dilate que le dérisoire désir ?
* **
Seule une orange dans la main ou le haut feu des alchimies peut par le silence inhumain faire revivre les momies.
Mais que le mystère qui mord au plus tendre de leur naissance ne les vide pas de la mort où s'accumule sa présence !
A l'insu des roses de mer mon sang médite la merveille de ce langage d'or et d'air qui métamorphose l'oreille.
Le froid fendu — nul mouvement
ne consacrera la rivière
sauf à mûrir le diamant
que l'absence arme de lumière...
Seule, au fond de l'enfance,..................................
La mer aux arbres blancs connaît le nom du dieu.
Le secret vient du corps, du délire sacré
Liant l'antérieur envoûtement du feu.
Il vente autour des morts. 0 terribles pythies
Qui menacez de gel l'eau magique du sable,
J'établis ma naissance entre vos fables rouges,
Dans le scandale d'être où commence l'exil, —
Et des têtes d'oiseaux tombent avec la neige
Sur la nuit renversée...........................................
(...)
* **
J'aurais pour toi des mains pleines de villes pures
Si ta chair incarnée allume en moi ses îles,
Me baigne dans la braise et laisse entre mes dents
Rire les citrons verts...
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012