Poèmes

La Crevette

par Jean Anouilh

Jean Anouilh

«
Mince, alors ! dit la crevette

Elevée dans les faubourgs,

Ce que ça peut être bête,

De'toujours parler d'amour.

Moi qui connais les vieux crabes

Dont le coin est infesté,

Moi qui ai fait les
Arabes

De la rue de la
Gaîté.

Pensez si ça m'impressionne

Moi, tous ces miaou miaou...

Je ne dois rien à personne

Je travaille sans marlou.

L'amour qui passe à la caisse,

L'amour la main sur le cœur,

C'est toujours la main aux fesses.

Les hommes sont des noceurs.

Le sentiment c'est tout frime :

Ça n'a jamais existé ;

Et ceux qui vont jusqu'au crime,

C'est parce qu'ils étaient vexés. »

Elle dit et sur la plage

Un adolescent joufflu,

Qui péchait dans les parages,

On ne sait pourquoi lui plut

Il n'avait pas de tendresse,
Comptait la manger tout cru,

Elle qui avait fait pièce
A tous les pêcheurs du cru,

Malgré sa triste dégaine;

Subjuguée par ses mollets,

Paralysée, incertaine

Elle choit dans son filet.

Il la cuit, il la dépiaute...

L'amour est un accident.

Les crevettes sont idiotes.

Les femmes ont du bon sens.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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