Autrefois l'Éléphant et le
Rhinocéros,
En dispute du pas et des droits de l'empire,
Voulurent terminer la querelle en champ clos.
Le jour en étoit pris, quand quelqu'un vint leur dire
Que le
Singe de
Jupiter,
Portant un caducée, avoit paru dans l'air.
Ce
Singe avoit nom
Gille, à ce que dit l'histoire.
Aussitôt l'Éléphant de croire
Qu'en qualité d'ambassadeur
Il venoit trouver
Sa
Grandeur.
Tout fier de ce sujet de gloire
Il attend maître
Gille, et le trouve un peu lent
A lui présenter sa créance.
Maître
Gille enfin, en passant,
Va saluer
Son
Excellence.
L'autre étoit préparé sur la légation :
Mais pas un mot.
L'attention
Qu'il croyoit que les
Dieux eussent à sa querelle
N'agitoit pas encor chez eux cette nouvelle.
Qu'importe à ceux du firmament
Qu'on soit mouche ou bien éléphant?
Il se vit donc réduit à commencer lui-même :
«
Mon cousin
Jupiter, dit-il, verra dans peu
Un assez beau combat, de son trône suprême;
Toute sa cour verra beau jeu.
—
Quel combat? » dit le
Singe avec un front sévère.
L'Éléphant repartit : «
Quoi! vous ne savez pas
Que le
Rhinocéros me dispute le pas;
Qu'Éléphantide a guerre avecque
Rhinocère?
Vous connoissez ces lieux, ils ont quelque renom.
—
Vraiment je suis ravi d'en apprendre le nom,
Repartit maître
Gille : on ne s'entretient guère
De semblables sujets dans nos vastes lambris. »
L'Eléphant, honteux et surpris,
Lui dit : «
Et parmi nous que venez-vous donc faire?
—
Partager un brin d'herbe entre quelques fourmis :
Nous avons soin de tout.
Et quant à votre affaire.
On n'en dit rien encor dans le conseil des
Dieux :
Les petits et les grands sont égaux à leurs yeux. »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012