J'ay mille et mille fois baisé et rebaisé
Le beau petit connin de ma gente
Maistresse,
Je l'ay tant caressé de si douce caresse,
Que mon feu violent s'est un peu appaisé.
Mais si je suis un jour de son jour devisé,
Je brusle à petit feu ayant triste liesse ;
Car je pers maugré moy la féconde richesse,
Ce doux flux qui d'Amour a son nom déguisé.
Je ne fay, je ne dy, je ne pense, et ne songe
Qu'en elle toute en moy, qui toute en moy se
Sans elle les plaisirs déplaisent à mes yeux.
Sans elle je ne suis, je ne suis point sans elle,
Je suis comme en extase en un goulfre orgueilleux,
Il me faut donc pour estre, accompaigner ma
Belle.
Jamais ne me verrai-je après tant de regrets
Nager à mon plaisir dedans l'amoureuse onde,
Pignottant ', frisottant ta chevelure blonde,
Pressottant, suçottant ta bouchette d'oeillets,
Mignottant, langottant, ammorcillant2 l'accès,
Mordillant ce téton — petite pomme ronde —
Baisottant ce bel oeil — digne soleil du monde —
Folâtrant dans ces draps délicatement nets ?
Ne sentirai-je point avec mille caresses
Le doux chatouillement des plus douces liesses ?
Ne serai-je amoureux mignonnement aimé,
Recevant le guerdon de mes loyaux services,
Remuant, étreignant, mignardant les délices,
Haletant d'aise, épris, vaincu, perdu, pâmé ?
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012