Ce temps-ci est diluvien
qui a la parole des pierres,
le mal de l'eau, le mal du feu
et la mémoire minérale,
ce temps est en migration ;
et moi je suis dans le temps mort,
qui fus comme un pays d'oiseau ;
mon corps secret, mon corps interne
où toute enfance est enterrée
n'a plus le signe de la mer ;
il est descendu dans la chair
et la chair s'est changée en os
et les os mués en la terre,
— ce temps-ci est diluvien.
Brûlent mon sang et mon amour,
brûlent les arbres souterrains !
Mon dernier corps, mon corps obscur
je l'ai retiré des forêts,
mon corps formé comme des feuilles
de ce qui fut en moi la femme
je l'ai créé dedans ma mort,
je l'ai porté dehors l'esprit
dans la grande absence de l'âme ;
femme de lune, femme d'herbe
mes yeux de coqs et de racines
sont entrés dans la nuit du monde
et toute ma bouche en malheur ;
ce temps-ci a l'odeur des pierres.
Mais la pierre est pleine de plantes, pleine d'anges et d'animaux dans la patience des noces, et l'oreille calcaire écoute et la
Terre au-dessus des pluies sent le dieu mûrir dans la roche, le dieu blanc, le dieu musical miraculer mon corps muré, miraculer le corps de l'homme qui touche le feu dans la pierre
pour que la pierre exorcisée prenne son nom entre mes mains, et que son nom soit la naissance du premier arbre sur la
Terre.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012