Poèmes

Exorcisme des Pierres

par Jean Claude Renard

Ce temps-ci est diluvien

qui a la parole des pierres,

le mal de l'eau, le mal du feu

et la mémoire minérale,

ce temps est en migration ;

et moi je suis dans le temps mort,

qui fus comme un pays d'oiseau ;

mon corps secret, mon corps interne

où toute enfance est enterrée

n'a plus le signe de la mer ;

il est descendu dans la chair

et la chair s'est changée en os

et les os mués en la terre,

— ce temps-ci est diluvien.

Brûlent mon sang et mon amour,

brûlent les arbres souterrains !

Mon dernier corps, mon corps obscur

je l'ai retiré des forêts,

mon corps formé comme des feuilles

de ce qui fut en moi la femme

je l'ai créé dedans ma mort,

je l'ai porté dehors l'esprit

dans la grande absence de l'âme ;

femme de lune, femme d'herbe

mes yeux de coqs et de racines

sont entrés dans la nuit du monde

et toute ma bouche en malheur ;

ce temps-ci a l'odeur des pierres.

Mais la pierre est pleine de plantes, pleine d'anges et d'animaux dans la patience des noces, et l'oreille calcaire écoute et la
Terre au-dessus des pluies sent le dieu mûrir dans la roche, le dieu blanc, le dieu musical miraculer mon corps muré, miraculer le corps de l'homme qui touche le feu dans la pierre
pour que la pierre exorcisée prenne son nom entre mes mains, et que son nom soit la naissance du premier arbre sur la
Terre.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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