Poèmes

États

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Ah ! ce soir, j'ai le cœur mal, le cœur à la
Lune !

Ô
Nappes du silence, étalez vos lagunes ;

O toits, terrasses, bassins, colliers dénoués

De perles, tombes, lys, chats en peine, louez

La
Lune, notre
Maîtresse à tous, dans sa gloire :

Elle est l'Hostie ! et le silence est son ciboire !

Ah ! qu'il fait bon, oh ! bel et bon, dans le halo

De deuil de ce diamant de la plus belle eau !

O
Lune, vous allez me trouvez romanesque.

Mais voyons, oh ! seulement de temps en temps

Ce serait fol à moi de me dire, entre nous, est-c' que

Ton
Christophe
Colomb, ô
Colombe, à genoux ?

Allons, n'en parlons plus ; et déroulons l'office

Des minuits, confits dans l'alcool de tes délices.

Ralentendo vers nous, ô dolente
Cité,

Cellule en fibroïne aux organes ratés !

Rappelle-toi les centaures, les villes mortes,

Palmyre, et les sphinx camards des
Thèbe aux cent portes ;

Et quelle
Gomorrhe a sous ton lac de
Léthé

Ses catacombes vers la stérile
Astarté !

Et combien l'homme, avec ses relatifs «
Je t'aime »,

Est trop anthropomorphe au-delà de lui-même,

En ne sait que vivotter comm' ça des bonjours

Aux bonsoirs tout en s'arrangeant avec l'Amour.


Ah !
Je vous disais donc, et cent fois plutôt qu'une.

Que j'avais le cœur mal, le cœur bien à la
Lune.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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