Si c'est l'homme,
Seigneur, encor pris sous la terre
comme un arbre profond, que je lie à mon sang pour mûrir son mystère
et nommer par son nom,
si c'est lui dont je cherche à trouver le haut-lieu
avant de vous chercher, quand il n'est plus sans vous que le limon du feu
et qu'un chiffre scellé,
que l'herbe de la mer douloureuse et solaire
qui couvre tout d'oiseaux et laisse en refluant pourrir entre les pierres
des poissons et des os,
quand la chair arrachée au
Corps qui ressuscite
brûle avec les forêts sans connaître le goût des sources qui l'habitent
et de son sang sacré,
si c'est l'homme tendu comme un grand poulpe d'or
vers les eaux véritables que je veux tenter seul, en incarnant la mort,
de fixer dans sa fable,
quand je sais qu'en cherchant à ne m'unir à vous
que pour l'être à moi-même je ne lie rien au pain, mais divise et dissous
ce qui en moi vous aime,
et qu'au lieu de l'amour qui assume et qui change
chaque chose en vos fruits je n'apporte au pressoir que l'amour sans vendange
des vignes de la nuit,
et quand je sais, tremblant sur la bouche vivante
à laquelle je bois, que l'Esprit qui m'abreuve et le
Corps qui m'enfante
ont soif aussi de moi,
et que les fleuves frais de la métamorphose
Ine naissent que des noces qui font en votre sang, où l'été se compose, tout lever dans sa force,
votre face,
Seigneur, se retirera-t-elle
du secret de ma chair et ne verrais-je plus à travers l'or qui gèle
que neiger sur la mer ?
Et quand je suis partout, jusque dans mon refus
de me sentir ailleurs, descellé par un corps contre qui je suis nu
et vain comme un nageur,
par un corps inconnu que je peux renier
mais ne peux pas détruire et qui me laisse amer du sel dont je suis fait
chaque fois qu'il respire,
quand ma mort elle-même est encore une oreille
qui reste ouverte au chant que l'Esprit fait germer comme une herbe vermeille
des silences du
Sang,
quand, croyant n'être en moi que de moi seul la proie,
je continue d'entendre l'amour former d'un sens dont l'éclat me foudroie
le nom qu'il me faut prendre,
et quand je vois les os, les prairies et la mer
du monde enseveli ne rendre à mon désir que les raisins amers
dont je les ai nourris,
et n'être plus en moi qu'un grand arbre de glace
qui ne sent même plus qu'un
Dieu traverse encor les racines tenaces
qu'il plonge dans l'humus,
irrigant de son lait mes veines et ma moelle
et les réordonnant à la pulsation de l'huile originelle
dont chaque fruit dépend,
à la sève d'air blanc qui soulève l'écorce
afin que chaque fibre vive du mouvement de la ligne de force
qui fait mûrir tout l'arbre,
O
Père, et quand voici que l'homme est devant l'homme
si difficile à soi entre le poids du nom dont la terre le nomme
et le nom qu'il vous doit,
si difficile au monde et difficile à
Dieu
que même dans l'amour il reste déchiré comme un corps ténébreux
dont le sang est trop lourd,
quand la chair se défait du fil de sa formule
et n'a plus pour saveur qu'une équation morte en qui se coagulent
les essences du cœur,
ne sachant plus que rien ne peut se transmuer
sans se tendre sur soi pour se rompre et s'ouvrir au langage secret
qui délivre le bois
et qui fait peu à peu sourdre de la forêt
des pays de fontaines dont la pulpe et les sucs sont déjà pleins du blé
de la mesure humaine,
de l'homme recréé qui voit soudain brûler
à travers chaque chose la beauté du
Dieu même en qui mûrit l'été
de sa métamorphose,
que serais-je jamais de celui que je suis
dans le feu paternel si je ne forme en moi qu'avec ce qui finit
la figure du ciel ?
Et qu'aurais-je du corps que vous devez tirer
comme une grappe interne de mes os lourds de soif, s'ils n'essaient de puiser
que l'eau de leur citerne,
quand greffé sur moi seul je ne peux pas trouver
le lieu de mon passage ni du signe à son sens, et ne reste innervé
que par ma fausse image,
et quand même attentif et prêt à la promesse
de ma vivante face, je la vois se remettre et reculer sans cesse
dans un nouvel espace,
ne laissant rien,
Seigneur, de ce qui croît sans vous
s'assurer sur la treille de fixer dans sa chair, même entre deux remous,
l'acquis d'une merveille,
le moment de beauté, le vin d'herbe et de miel
de la fable d'enfance où mon corps croit s'ouvrir au corps essentiel
dont il ressent l'absence,
dont je sens que le feu m'accuse et me consume
et m'invite à son or sans que je puisse seul faire sécher l'écume
qui m'en sépare encor,
et quand la mer soumet à ses pays déserts
que la lune a brûlés ce qui fut proféré pour soumettre la mer
et la fertiliser,
ce sang spirituel jailli de votre bouche
dans les planètes blanches pour devenir le chant qui anime les souches
et les charge de branches,
ces sèves de soleils, de sources et de fruits
que voici maintenant obscurcies, retenues, divisées par la nuit
qu'a nourrie l'autre sang,
tandis qu'un pus glacé monte dans mes artères
de la douleur des corps sur qui s'est étendu le malheur de la terre
et l'odeur de la mort ?
Et je suis comme un homme absent de son amour
et dont même le cri ne peut plus traverser le silence des jours
qu'il a scellés sur lui,
je suis comme une chair si profondément prise
dans sa propre sueur qu'elle a peur de chercher, même quand j'agonise,
à respirer ailleurs,
à sonder la
Parole emplie d'arbres et d'îles
qui continue en elle de rouvrir le désert des plus dures argiles
aux pluies originelles,
de tracer de son sang sur le sang de la mer
qui couvre ma mémoire le corps d'un continent fait de sa propre chair
et lié à sa gloire,
en proférant sans cesse en moi et devant moi
ce qu'elle fonde seule : le nom vivant de l'homme et la pâte de joie
qui coule entre vos meules,
Seigneur, — et je suis là comme un cep inutile
dont les sarments sans eau ne se lient plus en vous pour former de vos huiles
le grain rouge et nouveau,
quand vous avez pourtant soufflé dans mes narines
et pétri avec moi cette lave sacrée qui pénètre et qui mine
mes os les plus étroits,
ce feu qui m'est donné pour que j'en sois la proie,
pour empêcher ma vie de s'immobiliser en moi-même et sur moi
comme une chaux durcie,
me livrer au levain d'un brisement si lourd
qu'il me faille germer en passant par la mort où est passé l'amour
pour naître à votre été,
me vider tout entier du monde et de mon sang
afin que la nuit pure puisse tout posséder,
Père, en vous possédant
sans ombre et sans mesure,
et qu'ainsi envahi et brûlé jusqu'aux fibres
et comme fait du pouls que soulèvent les eaux de l'Esprit qui délivre
je prenne nom en vous !
Mais la mort me retient, et je ne puis rien être
tant qu'en ce corps dissous le lieu qui fut en moi creusé pour vous connaître
reste désert de vous,
car tant qu'il ne reçoit des semences vivantes
le pouvoir de germer l'amour dont je crois vivre et composer mes plantes
est mort avant d'aimer,
et tant que dans mes os le goût que j'ai de moi
couvre le goût de
Dieu je ne suis plus qu'un homme épaissi par le froid
des fleuves vénéneux,
sans force pour saigner, de sa propre tumeur,
avec
Celui qui saigne et mourir par amour avec
Celui qui meurt
pour que vive la vigne,
et je demeure ainsi fait d'un vide impuissant
à laisser l'habiter la
Parole du
Père et qui ne peut pourtant
cesser de l'écouter.
Mais même mon néant offense votre face
en rendant inféconde cette race qu'en moi j'arrache à sa vraie race
dans le péché du monde,
et je sens tout à coup peser sur mon malheur
le mystère infini de cette solitude et de cette douleur
dont vous souffrez aussi
quand la terre s'assèche et que l'âme se rompt
comme un pain qui pourrit et qu'une amère absence y mue le sens profond
pour lequel
Dieu les fit,
et séparé du corps que l'eau a défriché
et qui prend sa vigueur je ne puis plus sonder le paradis caché
dans le désert du cœur,
car l'homme extérieur et délié du nœud
des plus saints de vos signes ne sait plus maintenant voir du regard de
Dieu
mûrir les grandes vignes,
mais consumé déjà par le pouvoir hanté
de détruire le monde scelle déjà sa mort et son éternité
dans la mort qu'il féconde.
Père, vous pouvez tout, et je ne puis plus rien
quand il ne reste en moi, si l'eau ne les fie plus, qu'un espoir sans levain
et qu'une foi sans foi,
et s'il ne m'est donné, au-dehors de la peur,
d'aimer de son amour cet amour qui connût mon sang et ma sueur
pour m'ouvrir à ses jours,
je retourne au limon, et je ne suis plus rien
qu'une souche mourante, mais vous qui êtes vie et de qui la vie vient
refaites-la vivante,
pour que repris par vous qui jusque dans la mort
pouvez encor tout prendre et des plus sourdes chairs réhabiter encor
le silence et la cendre,
je reçoive mon nom, — car chaque être est nommé
par la même
Parole, mais chacun dans l'odeur de sa propre unité
et en son propre pôle,
et pourtant tous ensemble, avec tout l'Univers,
appelés et liés pour que tout s'accomplisse et soit ensemble offert
en un seul corps parfait,
et que chacun déjà reçoive avec ses fruits
l'inépuisable force de passer dans le
Christ de la chair à l'Esprit
et du désir aux noces.
Mais que suis-je et que puis-je et qu'ai-je de vivant
qui n'ait un goût de mort quand même votre amour m'échappe en se donnant
et se tait dans mon corps,
quand vous êtes en moi, dans votre éternité
si proche et si lointaine, ce qui m'est le plus mien et le plus étranger
avec la même haleine,
ce qui, dépassant tout, couvrant tout de son être,
demeure si sacré que même ce qu'il aime a peur de le connaître
en osant le nommer,
en osant approcher de l'Esprit qui consume
les puissances du ciel un corps qui n'est le sang, la poussière et l'écume
que d'un monde mortel,
d'un monde sur qui
Dieu étend comme l'angoisse
un amour effrayant dont l'homme est assoiffé, mais dont l'éclat le glace
jusqu'au cœur du néant,
et en osant chercher, même pour en mourir
quand l'âme s'en imprime, ce qui, même sondé du plus profond désir,
reste comme l'abîme,
ce qui est, et n'est pas, et se fait à la fois
ténèbres et soleil, et veille quand je dors, et dort quand je me crois
délivré du sommeil,
et brûle du si haut et si puissant mystère
d'une telle
Présence qu'elle ne peut sonder les choses de la terre
que pareille à l'absence,
et quand pourtant ce feu terrible et solitaire
est seul dans le silence à pouvoir nuit et jour m'être plus nécessaire
que ma propre substance,
plus doux et plus vivant et plus intérieur
jusque dans le désert que la fontaine même où je bois la fraîcheur
des vents blancs de la mer ?
Et que puis-je saisir de ces eaux éternelles
qui traversent le temps quand je n'ai pour tenter d'en retenir la moelle
qu'un cœur inconsistant,
quand ce qui s'en dépose un instant dans mes veines
semble aussitôt couvert, malgré le sang du
Christ, par les mains souterraines
qui sortent de l'hiver,
quand vous-même,
Seigneur, au centre du silence,
ne me laissez entendre battre le pouls de
Dieu que pris dans ma souffrance
et changé en ma cendre,
quand croyant vous trouver je ne vous trouve pas
et qu'en moi rien ne sent que vous m'aimez encore et que vous êtes là
quand je vous crois absent,
et quand je reste en moi, devant votre clarté
obscure et foudroyante, comme un homme qui doute et ne peut pas douter
de ce qui l'ensanglante,
et qui ne connaît pas, même nourri de vous,
le goût que vous avez sinon par l'amertume et le poids du dégoût
que laisse le péché,
et quand même le don, la douceur et la force
de l'amour glorieux qui fonde et accomplit les fabuleuses noces
de la neige et du feu,
n'effacent pas l'angoisse et la peur que ce corps
fait de terre et de temps a de l'éternité, — tant il est comme mort
devant le
Dieu
Vivant ?
Et qu'ai-je à espérer d'un amour solitaire,
Père, quand je n'ai rien si chaque être ne mêle à mon sang son mystère
et son amour au mien,
et s'il faut que tout croisse et fructifie ensemble
dans votre
Corps vivant et que tout dans le temps s'y lie et s'y rassemble
comme au-delà du temps,
et que pourrais-je ici attendre de moi seul
si même mon attente était pure, et mon cœur et ma bouche et cet œil
que la nuit désincarné,
quand dans tout l'univers, ùrés des hautes eaux
d'une unique genèse par un unique
Esprit qui fit lever leurs os
même dans d'autres glaises,
tous les corps peu à peu fondés et travaillés
par la même
Parole pour les mêmes raisins, même en d'autres étés
et sous d'autres symboles,
et composés du
Nom proféré sur l'abîme
par le
Verbe de
Dieu pour que tout sang charnel soit lié aux racines
d'un sang mystérieux,
du sang spirituel qui couvrait tout en un
dans l'arbre intérieur pour couvrir au-dehors, d'un unique parfum,
le temps de chaque fleur,
le chant des corps issus, sous le souffle divin
et les lois de leurs jours, du long mûrissement des limons anciens
pour mûrir à leur tour,
et recevoir de vous la sève d'or vivant
que vous leur destiniez afin que chaque cep s'accomplisse vraiment
selon l'éternité,
changèrent dans la nuit de force et d'espérance
avec l'amour brûlé en quittant les pays de votre transparence
pour un autre secret,
et quand partout ces corps liés par l'eau profonde
comme en un
Homme unique qui portait devant vous la mesure des mondes
soumis à sa musique,
après avoir laissé les grands anges perdus
qui engendrèrent l'Ombre en s'éloignant de
Dieu, les charger de refus,
d'absence et de décombres,
livrèrent à la
Mort, en d'antiques saisons
pareilles au silence, les fruits nés de la vie qui leur donnait le nom
de votre ressemblance,
et firent par leur mort tout mourir avec eux
dans le monde obscurci et s'écarter du sens natal et fabuleux
qui eût tout accompli,
pour qu'il ne reste plus du peuple originel
que la chair foudroyée d'un
Homme sans enfance et recouvert de gel
par la mer éclatée,
soumis partout au poids de la première mort
par les mêmes ténèbres et par elles livré, même dans d'autres corps,
au même sang funèbre,
descellé, dispersé, chassé du même amour,
même en d'autres espaces, et ne pouvant renaître aux sources de vos jours
que par la même grâce,
que par l'unique
Esprit d'un seul et même
Père,
même sous d'autres signes, donné en un seul
Fils pour le même mystère
et pour la même vigne,
n'être en tous lieux rouvert et de nouveau promis
au même unique été que par le même
Christ, même s'il n'est qu'ici
mort et ressuscité,
et si le
Sang vivant qu'il a versé sur terre
peut seul rensemencer et rassembler pour vous les autres champs solaires
qui attendent leur blé,
et même si pour eux, en des jours inconnus,
le feu même du
Dieu qui n'a qu'un seul amour pour le même salut
est venu parmi eux,
puisqu'il n'y a qu'un
Christ et que le
Christ est seul
partout dans l'Univers à pouvoir libérer du même obscur linceul
chaque àme et chaque chair,
et à être vraiment mort et ressuscité,
même d'un seul tombeau, comme au centre absolu du
Cosmos tout entier
qu'il couvre de ses eaux,
pour que tous les soleils soient ensemble par lui
saisis dans le même or et, délivrés du sang de millions de nuits,
transformés en son
Corps ?
Et quel homme étranger au vrai signe de l'Homme
qui n'est fait que du vôtre, resterais-je au-delà de ce qui le consomme
si je m'en cherche un autre,
si j'ai peur de porter ce qui pèse trop lourd
et m'ôte trop de moi et ne veux vous aimer,
Seigneur, que d'un amour
plein encor de mon poids,
pour me taire à moi-même en un mauvais silence
qu'on ne peut vous connaître que dans la liberté de cette obéissance
qui sait tout vous soumettre,
si je ne prends de vous que ce qui ne tue pas
mais ne rend pas vivant, en conservant mon goût de terre et de muscats
sans le sacre du sang,
si je ne vais à vous que pour ne plus trembler
devant la nuit cosmique et donner aux soleils inconnus et muets
leur ordre et leur musique,
pour retrouver l'odeur des monts originels
et des hautes forêts où de grands peuples blancs mangeaient encor le miel
des mystères sacrés,
reprendre le pouvoir d'avant les lunes mortes,
les marées et les sables, d'entrer dans ces pays d'oiseaux et d'herbes fortes
qui traversent les fables,
d'être ouvert en esprit aux secrets des espaces
et des mondes profonds dont le cœur sent l'appel ou garde encor les traces
dans ses plus purs limons.
et si pour me nommer du nom même du corps
de
Celui qui me nomme je ne sais que passer par les jours de la mort
et que risquer sur l'homme,
que demeurer hé à la cendre du monde
quand je sais à chaque heure que quelque chose en moi me transcende et me sonde
et défend que je meure,
quand jusque dans ma vie la moins surnaturelle
et la plus solitaire je sens encor couler la mer qui la descelle
et l'emplit de mystère,
et qu'un
Dieu dont l'amour me brûle jusqu'au sang
donne à mon cœur qui tremble de comprendre que rien ne vous aime vraiment
sans que tout aime ensemble ?
O
Père, arrachez-moi de ma propre moisson
et de mon corps étroit en m'arrachant de moi comme un blé du limon
pour moissonner en moi,
me garder de laisser le suc intérieur
tarir et se changer en la résine avide et froide du malheur
dont mes reins sont chargés,
et de laisser les eaux des soleils souterrains
me retirer de vous en retirant de moi le sang hé au pain
qui me donne mon goût,
même si j'ai parfois dans la nuit des varechs
aimé d'un amour mort la vigne dont mon cœur n'était plus qu'un bois sec
pourtant plein d'elle encor,
de peur que si mes os sont recouverts de sable
quand surviendra le temps de passer de ce monde au monde véritable
sans avoir pris leur sens,
et si je n'ai que moi à présenter au
Père
comme un cep desséché quand tout sera rempli du terrible mystère
de son éternité,
il ne me reste rien, dans les prairies nouvelles,
de la métamorphose qui mêlait sur la mer votre odeur à ma moelle
et la grappe à la rose,
ni de l'amour en qui je connaissais vos plantes
comme l'huile et le lait quand le signe du sel rendait ma chair vivante
et en vous la scellait,
et de peur qu'épaissi par trop de sédiments
mortels et ténébreux mon sang ne puisse plus être lavé du sang
par la neige de
Dieu,
ni être fait du feu de l'enfance profonde
qui liera l'arbre et l'or quand le vent de l'été soufflera sur le monde
et transmuera les corps,
— et faites,
Père pur,
Père de vérité,
de justice et de force, que je ne veuille plus que ce que vous voulez
pour m'unir à vos noces,
n'être plus qu'une proie offerte à votre gloire
et qui n'attend plus rien que d'être consumée au jour consécratoire
par le
Seigneur qui vient,
et non plus cette bouche abstraite et infertile
qui croyait vous aimer en n'ayant pour amour que des mots immobiles
vides de charité,
mais un cœur dont le blé et dont les vignes lèvent
de vos seuls sacrements en laissant s'amasser et mûrir dans sa sève
le silence vivant,
le silence dont
Dieu incante mon silence
pour m'ouvrir à l'Esprit lorsque je ne suis plus que fait de mon absence,
et me changer en lui,
me former du seul
Corps creusé comme un sillon
où tout croît et s'unit et me donner déjà mon véritable nom
en me formant du
Christ,
pour que je puisse en lui, quand me prendra le feu,
devenir dans ses fruits la respiration et les raisins du
Dieu
dont l'été s'accomplit !
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012