I
Je pense à toi, mon âme, et je me désespère,
Objet infortuné du mépris de ton père,
Que ne peuvent fléchir les orages du cœur,
Mes plaintes, ni la voix d'une telle douleur!
N'a-t-il jamais connu la peine inguérissable
De voir soudain crouler en un monceau de sable
Le granit du palais que l'amour s'est construit ?
N'a-t-il jamais tendu sa main vers un beau fruit,
Tout consumé du feu dévorant de la fièvre ?
L'ivoire de ton front, le rubis de ta lèvre,
L'azur de ton regard, ou sa funèbre nuit,
Ne troublent-ils donc pas cet être qui me nuit ?
Ne tomba-t-il jamais aux pieds du
Créateur,
Gémissant de souffrance et pâle de terreur ?
II
Que ne puis-je rejoindre, aux creux d'une montagne,
L'aigle blessé qui meurt auprès de sa compagne!
Accueillez dans votre ombre, altières
Pyrénées,
Dans vos noires forêts par l'azur couronnées,
Un naïf qui croyait aux douceurs de l'amour,
Du printemps, de l'espoir...
Sources, ruisseaux, torrents, vous savez mes secrets !
O loups qui bondissez en quête d'une proie,
Je voudrais partager votre cruelle joie,
Puis me coucher enfin dans les bois endormis
Où vous vous reposez, haletants et meurtris !
III
Sans doute, quelque soir, un pâtre solitaire,
A l'heure où le soleil s'éloigne de la terre,
Entendra dans la brise un appel déchirant.
«
Pitié, s'écriera-t-il, pour un homme expirant!
Seigneur, pardonnez-lui, même s'il est coupable !
Ne lui refusez pas votre main secourable. »
Tu te seras trompé, généreux inconnu!
Oui, j'agoniserai.
Je mourrai triste et nu.
Les grappes de mes jours seront bien vendangées,
Mes chênes renversés, mes moissons ravagées.
Mais, sur ma bouche pâle et mon cœur apaisé,
Un lumineux archange aura déjà posé
Le sceau qui nous désigne aux rives éternelles
Où le vent du malheur ne brise pas nos ailes.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017