Quand il était adolescent
il vivait dans une ville
qui était une légende
au bord de la mer caraïbe.
Si on voulait on pouvait
se changer en n'importe quoi,
on pouvait être un arbre
qui marche et boit du rhum,
un bœuf qui joue de l'orgue
le dimanche à l'église,
un lion qui rend cocus
tous les notaires de la ville.
Lui, un soir de son adolescence
il était devenu un cheval de course,
il traversait au galop
Jacmel
il hennissait et invitait les gens
à venir gambader avec lui dans la rue.
Mais portes et fenêtres restaient fermées.
Soudain une jeune fille est sortie
d'une maison de la place d'Armes :
c'était l'un des trésors de la ville,
elle était en chemise de nuit
et souriait à l'adolescent-cheval.
Quand il arriva auprès d'elle
la jeune fille quitta sa chemise
et sauta sur son dos : il galopa
galopa sans fin dans la nuit
en faisant plusieurs fois le tour de
Jacmel.
Il sentait
Hadriana toute nue sur son dos
comme le ciel nocturne sent les étoiles
ou comme la terre sent l'herbe au matin
il sentait sa saveur de jeune fille.
Il galopa galopa dans la nuit
avec l'étoile de
Jacmel sur son dos, avec la joie de la ville et toute la
douleur de la ville sur son dos, avec ses peurs et ses haines sur son dos, il galopa galopa dans la nuit avec les baisers
et tous les rêves de
Jacmel sur son dos.
Au petit matin ils allèrent à la mer où ils se rafraîchirent longuement, ensuite ils allèrent à la rivière pour se quitter le sel du corps.
Plus tard il la déposa chez elle sous les arbres éberlués de la place.
Quand il reprit sa forme de garçon il avait les flancs ensanglantés, il avait d'atroces douleurs aux épaules, il avait très mal au cuir chevelu, il resta deux semaines au
lit à regarder s'éloigner son adolescence avec la plus belle fille de sa vie !
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012