Poèmes

En Souvenir D'elio Vittorini

par Rene Depestre

René Depestre

La mère-oiseau qui donne la lumière

lave les assiettes avec de la cendre :

elle les plonge dans l'eau chaude

et les rince ensuite à l'eau froide

tout en chantant, à mi-voix, de vieux airs

qui parlent du vin d'hiver dans la montagne

qui sent l'enfance et le melon ouvert

sur la table, parfum ancien de la vie.

La mère-oiseau de la lumière est moitié

femme moitié melon qui chante sans paroles.

Une belle femme aux cheveux châtain très clair,

elle porte les gros souliers de l'homme qu'elle a

aimé avant les mains qu'elle a en ce moment :

des mains d'homme qui abat des arbres, usées,

grandes, vidées de toute lumière de femme.

La mère-oiseau musicien de la nuit n'a plus

dans les mains la chanson qu'il faut pour retenir

près de son sang l'esprit et la chaleur de l'homme.

Elle a le cceur et le visage d'où naissent encore

tendresse et douceur pour la chair des hommes

qui ont besoin de douces mains, la nuit, pour

rouvrir en eux l'odeur des melons de l'enfance.

La mère-oiseau de la lumière en chantant

pense à ses mains informes, à ses vieux souliers

d'homme, au rude temps d'hiver de la montagne.

La mère-oiseau de l'air pense au fils en exil

et qui, dans la ville étrangère, doit, la nuit,

dans l'odeur des melons et du train de l'enfance,

demander à des mains la joie et la douceur

et la tendresse des femmes qui enseignent à aimer

à leurs mains que toi, moi, chaque homme perdu,

nous nommons partout nos reines des
Indes

pour la lumière et le melon de l'enfance

qu'à nous toucher nous donne leur chant d'oiseau.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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