Poèmes

Sirène

par Robert Desnos

Robert Desnos

Il n'était pas une fois

un beau château au centre d'un désert

nul ne tentait d'en franchir l'accès

dans un bassin

y nageait une sirène

Il n'était pas une fois

ou plutôt si
II était il était une fois

Il est encore au centre du désert

derrière les hauts murs

une sirène nageant dans un bassin

Solitude silence eau sans clapotis
Rien ne viendra-t-il troubler la nage régulière de la sirène

C'est elle immuable qui nécessite
Le mouvement des aiguilles sur les cadrans
C'est elle qui règne sur la respiration
Sur celle des amants et celle des dormeurs

Sur celle de celui qui rêve
Sur celle de celui qui aime
Sur celle de l'amante éperdue

Voici que l'orage se lève dans son uniforme d'encaisseur

Enjambe l'horizon

Se brise aux monts

Et dans la splendeur de l'arc-en-ciel

Se dérobe en un fleuve odorant

Se brise aux piles du prisme des couleurs

Sur la campagne agenouillée
Dans ce fleuve au bon parfum
Voici que nage la sirène
Immense dans le ciel à marée haute
Elle passe au-dessus des champs au-dessus des villes

L'éclat de ses écailles est celui de l'éclair
Sa queue d'un mouvement lent balaie les nuages

Le paysage retourne au soleil
La sirène à son palais lointain

Tout cela peut se voir
Quand l'orage gronde
Quand il s'enfuit sous l'arc-en-ciel

Mais il est d'autres orages
Il est des paysages du cœur
Il est d'autres sirènes.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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