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par Émile Despax

Émile Despax

Et maintenant, mourez, les rosiers et les roses,
Je ne veux plus rien voir que l'air et la clarté.
Le ciel a tant d'azur que ces nuages roses
Ont l'air d'être égarés dans le bleu de l'été.

J'avais cru tant souffrir encor : l'été, l'automne,
L'hiver encor... sans doute ici... peut-être ailleurs.
Et voici. Quel est-il cet amour qui s'étonne
D'être comme égaré dans un si grand bonheur ?

Se peut-il ? Se peut-il ? N'est-il pas nécessaire,
Lorsque l'on aime tant, mon frère, de souffrir ?
Et peut-on admirer sans que le coeur se serre ?
Et peut-on adorer sans penser à mourir ?

Tu ne peux pas savoir. C'est, par la même rue,
Comme hier, un rêveur, un doux, un lent retour ;
C'est la foule riante et criarde et bourrue ;
C'est Notre-Dame avec des drapeaux sur les tours.

Ne cherche pas plus loin. Je ne puis pas te dire.
Je puis mourir ce soir, je puis partir demain ;
J'ai ma part du baiser, j'ai ma part du sourire,
J'ai ma part de l'amour et du bonheur humain.

Que dis-tu ? J'ai payé bien chèrement ces choses ?
Ah ! oui, les jours d'avant, tout noirs. Qui te l'a dit ?
Laisse. Je sais. Mourez, les rosiers et les roses,
Un ange est né, ce soir, au fond du paradis.

Extrait de: 
La Maison des Glycines, (1905)



Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023

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