Si vous parlez à votre soeur, parlez tout bas.
Si c'est à moi, je ne veux pas, ne parlez pas.
Le silence vaut mieux, c'est lui que je réclame.
Nous ne nous dirions pas ce que rêvent nos âmes.
Comme deux tombeaux blancs que sépare un cyprès,
Jalousement, nos coeurs ont gardé leurs secrets.
C'est vraiment, entre nous, un désert, ce silence.
Nous aurions dû grandir ensemble dès l'enfance,
Sur une plage d'or, au bout d'un fleuve bleu.
Lire en nous eut été le plus doux de nos jeux.
Torture de ne rien connaître de notre âme,
D'être, moi déjà l'homme, et vous déjà la femme.
A quoi m'aura servi de rêver de douceur,
Puisque j'ai vécu seul, sans parler ? O ma soeur,
Ma soeur dans la douleur, ma soeur dans l'harmonie,
Je vous avais déjà pressentie et bénie,
Lorsque, aux matins rêveurs de ma jeune saison,
J'allais m'asseoir au seuil doré de la maison,
Lorsque, joignant mes doigts comme pour la prière,
Je tendais mes deux mains en coupe à la lumière.
Si vous étiez venue, en un matin pareil,
Je vous aurais fait don d'un rayon de soleil.
Mais j'ai vécu surpris, vaincu, hanté par l'ombre
Et n'ai peut-être aimé que votre robe sombre.
Ce coeur qui n'oublia jamais, oubliez-le.
Sur votre robe et vos yeux noirs un ciel trop bleu
Sourit. J'en souffrirais. Fermez cette croisée.
Que de larmes sont dans mes yeux ! Que de rosée
Pèse sur ce rosier et pend à ce rameau !
Silence. Je sais tout. Silence. Pas un mot.
Je sais tout. Que, sur vous, rose en feu, se balance
L'amour d'un autre à qui vous parlerez. Silence.
Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023