A Louison, Émile Despax
Poèmes

A Louison

par Émile Despax

Émile Despax

Louison, que le ciel est beau dans la lumière.
C'est l'heure du soleil. Les hampes des trémières
Vibrent. Dans le jardin de la gare où se plaît
Le vol tumultueux des ramiers violets,
Un poulain que, brutal, l'appel d'un train effraie,
Tourne, s'affole, brusque, au-dessus de la haie
Tend le col et, soufflant de ses naseaux tremblants,
Fait bouger la rosée et les liserons blancs.
Sous le poids d'un frelon une aubépine penche.

Qu'avez-vous fait, vous et vos soeurs, des roses blanches
Plus fraîches que l'éclat du matin, en dépit
Des rosiers alignés sur le mur décrépit ;
Des robes que mouvait le vent de la prairie ?
C'était toujours, auprès de vous, Pâques-Fleuries.
Louison, Louison, qu'avez-vous fait aussi
De mon coeur caressant et doux, de mon souci
De vous aimer ainsi qu'un frère et de vous plaire ?
Dites-moi : Nous avons remis nos robes claires,
Le rosier refleurit sur le mur et le foin
Sent toujours bon, mais vous ami, vous êtes loin.

Votre voix me fera du bien : j'ai tant de peine.
Parlez-moi. Je vous vois. Nanie est triste : Hélène
Frémit, soudain surprise au bord du rêve pur
Par l'ombre de ce lis agité près du mur,
Ou de cette ciguë où ce frelon se pose.
Vous, vous êtes toujours l'enfant aux coudes roses
Dont le coeur se gardait si suave et si coi,
Qui riait, qui pleurait et ne savait pourquoi,
Coeur plus léger qu'un fil volant de clématite.
Je vous ai fait pleurer quand vous étiez petite ;
Je m'en souviens, ce soir, à l'heure des regrets.
O mon enfant, avez-vous su que je pleurais,
Depuis, lorsque mon rêve, où vos sourires brillent,
S'ouvrait au souvenir charmant des jeunes filles ?

Ne dites donc jamais : Il était doux et vain.
Mais dites : Je ne sais quel il était. Il vint,
Par un jour accablant de Juillet, un dimanche.
La poussière brûlait au loin les routes blanches.
La maison était fraîche et close au jour vermeil.
Il entra, précédé d'un rayon de soleil.
L'escalier reluisait comme un lac sous la lune.
Que mon frère était blond près de sa tête brune !
Il revint et l'on prit l'habitude de voir,
Rêveur jusqu'à l'appel du dernier train, le soir,
Ce poète toujours enfui dans ses pensées.

Les roses de ces jours dès longtemps sont passées ;
Mais lui, toujours songeur ainsi qu'on le connut,
Lui, fidèle toujours, toujours est revenu.
De l'instant qu'il nous vit jusqu'à son agonie,
Il nous chérit les trois et préféra Nanie.
Mais un jour qu'il rêvait de bonheur, loin de nous,
Songeant à nos bras nus qu'il aimait, à nos cous
Tièdes comme des lis hors de nos robes blanches,
Il a senti son coeur faiblir, comme les branches
Des coudriers, au vent d'avril, sous le taillis.
Et le coeur plein de nous, ce jour, il a cueilli
Au jardin du passé d'où nos destins dévient
L'humble fleur de ces vers pour moi, fleur de sa vie.

Extrait de: 
La Maison des Glycines, (1905)



Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023

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