Poèmes

Le Don du Bonheur

par Émile Despax

Émile Despax

Pas une nuit d'amour ne vaudrait celle-ci.
J'ai trouvé le bonheur qui faisait mon souci.
Et maintenant, qu'il soit comme un fruit de la terre
Et qu'un passant le cueille et qu'il s'en désaltère.
C'est pourquoi je t'écris dans ces vers, car je sais
Que les beaux vers, honneur du langage français,
Sont vifs comme le chant aigu de la cigale,
Chauds comme le velours des roses du Bengale,
Frais comme un caillou blanc dans la source qui luit
Et purs comme le choeur des astres de la nuit.
O bonheur ! que leur grâce, en chantant, te décore.
Si quelque autre poète est sombre et souffre encore
Pour un amour perdu qu'il oubliera demain,
Dis-lui que j'ai tracé ces lignes de ma main,
Par un beau soir de mai, dans Paris, sous ma lampe,
En écoutant mon coeur battre contre ma tempe ;
Que j'ai profondément senti que je vivais ;
Que, malgré l'ironie et les hommes mauvais,
La vie est magnifique à vivre ; que le monde
Est radieux, neuf fois, dans la lumière blonde,
Pour qui sait voir la nuit et qui sait voir le jour
Avec les yeux du rêve ou le coeur de l'amour ;
Que la seule sagesse est celle qui m'amène
A déserter le seuil de la détresse humaine,
A venir, inconscient et fort de mes vingt ans,
M'accouder au balcon, en face du printemps,
Dans l'harmonie immense éparse au ciel nocturne,
Moi qui sens s'épancher mon âme, comme une urne
D'où couleraient légers, frais et vrais, à plein bord,
Vers sa pauvre douleur mes vers, comme un vin d'or.

Extrait de: 
La Maison des Glycines, (1905)



Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023

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