Art profond, art profond des mots et de l'idée !
Par ma lampe allumée en silence et gardée
Haute et claire, durant cette nuit sans sommeil ;
Par cet amour qui dort si sagement, pareil
Au ruisseau prisonnier qui chante sous l'écluse ;
Par cette estampe sombre où s'envole une Muse ;
Par cette autre où, debout sur un roc de granit,
Un poète est battu des vents, je te bénis,
Maître, qui, soucieux de parfaire la tâche,
Comme un vieux laboureur met ses boeufs à l'attache
Sous le joug qui pendait aux piquets du portail,
Unis, dans cette nuit, mon rêve et mon travail.
Mais, plutôt que de suivre un laboureur austère
Qui pèse sur le soc et fait s'ouvrir la terre
Où la moisson future attendra le semeur
Pour grandir, pour mûrir, pour mêler sa rumeur
Au murmure étendu sur la plaine boisée,
Juge strict, n'as-tu pas, pour la juste pesée,
Comme on prend deux plateaux égaux exactement,
Choisi la patience et le renoncement
Et, sur chaque plateau qui s'abaisse ou s'élève,
Egalisé la part du travail et du rêve ?
Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023