À l'esprit d'IONISATION,
Edgard Varèse.
I
Ici s'ébranle le panorama de klaxons. Ah! réveillez
les courbes de mousse au large des buildings.
Il y a croissance de corps nickels à travers le temps,
et l'ampleur du carillon criblée de poteaux.
Pénétrante hypnose des villes! Lentes bêtes ruisselantes
de jets-sirènes, marchons machines osseuses.
Auprès des bouches d'égout délirent les fronts de menthe.
Incessants vaccins de braise à la racine du sexe. L'alarme du mâle
brûle, souille la peau d'ambre des filles. Et gelés
les lits éclatent dans les miroirs.
Dans la région du rachat, profonde cité en filigrane,
les pleins désirs émergent d'un plasma de pétrole.
Mêmes giclées-soleils dont se grisent les squares. Même vin
de suie à éteindre le blanc des vergers. Et le chaud
clavier de mollets que les tristes martèlent en sourdine...
Café moka! La Presse! Rue Sainte-Catherine! L'odeur des banques
enclot les brises de l'enfance. Au long des devantures,
les passants surchauffent un ciel éteint.
II
Ils s'enfoncent dans les brumes, dans le bruit qui grise.
Nul souvenir de neige ne vient filtrer leur saison
de néons.
Ils s'enfoncent avec le jour au rythme des timbales.
Piqûres de blues aux nerfs du rêve. Décharges
de signes dans les dormantes cervelles.
Mal aimée l'antique féerie bascule dans l'abîme
d'un trombone. Languissants ce rythme des chevelures,
ces lèvres droguées des ondes longues du sang.
Le choc des os calfeutre le frais champagne.
Bulles de lune. Bulles de chair. Ventilateurs
aspirent la vie métallique.
III
Lointain pays de pollen... Sexes réduits à l'agonie.
Ah! combien pitoyables les cœurs de braise!
Vienne la saison des jonquilles!
Vide bien lunaire... Quelquefois des dents se choquent...
Des fourmis s'en prennent aux yeux déserts.
Dernier remous d'une aile d'amour... Appel très rouge
venant d'une source déjà muette. Que de dieux durs
se dressent !... Dolente lune...
Quelques doigts persistent à tracer des pistes. Mais
ne s'éveillent les gisants de la sécheresse. Et s'éclipsent
de beaux soleils, au terme d'un vieux conte des origines.
IV
Les pas pierreux du pouls creusent nos tempes. Le cœur
propage aux veines des télégrammes de glace.
Sons de sève. Ciel d'horloge. Oxygène.
Tempo de bielles. Vibrations de rails.
Et l'échine se courbe. L'envol bat des ailes
dans les cercles qui se murent.
Un paysage se condense, se condense. Nos mains
téléguident les aubes! Le temps s'élargit,
la tête se redresse. Nos yeux propulsent des aigles!
Poème publié et mis à jour le: 18 May 2025