Poèmes

Passe le Pont

par Robert Desnos

Robert Desnos

La porte se ferme sur l'idole de plomb

Rien désormais ne peut signaler à l'attention publique

cette maison isolée
Seule l'eau peut-être se doutera de quelque chose
Les clairs matins d'automne la corde au cou plongent dans la rivière

Le myosotis petit chien de
Syracuse n'appellera jamais plus la fermière aux yeux pers de son cri de mauvais augure

Du temps de
Philippe le
Bel à travers les forêts de cristal un grand cri vient battre les murs recouverts de lierre

La porte se ferme

Taisez-vous ah taisez-vous laissez dormir l'eau froide au bas de son sommeil

Laissez les poissons s'enfoncer vers les étoiles

Le vent du canapé géant sur lequel reposent les murmures le vent sinistre des métamorphoses se lève

Mort aux dents mort à la voile blanche mort à la cime étemelle

Laissez-la dormir vous dis-je laissez-la dormir ou bien j'affirme que des abîmes se creuseront

Que tout sera désormais fini entre la mousse et le cercueil

Je n'ai pas dit cela

Je n'ai rien dit

Qu'ai-je dit?

Laissez laissez-la dormir

Laissez les grands chênes autour de son lit

Ne chassez pas de sa chambre cette humble pâquerette

à demi effacée
Laissez laissez-la dormir.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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