On n'entend que les pattes des pigeons au bord des toits
Et le clapotement de l'eau contre la pierre du bassin ; À paisible cadence un balai chuchote sous la voûte
Et le balayeur songe.
Assis au milieu du jardin,
Je t'écoute glisser du fond des temps,
Beau silence de velours gris déplié sur la scène où les pas
et les noms s'effacent ;
Il nous reste un moment ce matin pour causer à voix
basse.
La grande cour est vide encore et le ciel ne dit rien de plus
Qu'en mil sept cent cinquante, ni les pigeons,
Ni l'eau sombre qui fait semblant d'avoir bonne mémoire
Mais déjà vous a confondues,
Catherine
Campana,
Maria-Lorenza
Pasini qui mourûtes
Abbesse du couvent où l'on dansait en masques la
furlane,
Et vous qui ne reviendrez plus en ce jardin
Où le temps croit dormir sur les doigts brisés des statues.
Car c'est toujours un autre corps enveloppé de gloire
Que de l'ombre des corps nous halons avec nos caresses,
Le rêve d'un corps lumineux arraché à la nuit
Où siffle la veilleuse indifférente du désir.
Et quel assaut pourra jamais nous livrer sa lumière,
Lui frayer un chemin dans l'épaisseur où nous errons
Sur les traces d'un dieu d'espoir, d'angoisse et d'ironie ?
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012