Poèmes

Le Rat et L'éléphant

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Se croire un personnage est fort commun en
France :
On y fait l'homme d'importance.
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois.
C'est proprement le mal françois :

La sotte vanité nous est particulière.

Les
Espagnols sont vains, mais d'une autre manière :
Leur orgueil me semble, en un mot.
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,
Qui sans doute en vaut bien un autre.

Un
Rat des plus petits voyoit un Éléphant

Des plus gros, et railloit le marcher un peu lent

De la bête de haut parage,

Qui marchoit à gros équipage.

Sur l'animal à triple étage

Une sultane de renom,

Son chien, son chat et sa guenon,
Son perroquet, sa vieille, et toute sa maison.

S'en alloit en pèlerinage.

Le
Rat s'étonnoit que les gens
Fussent touchés de voir cette pesante masse : <(
Comme si d'occuper ou plus ou moins de place
Nous rendoit, disoit-il, plus ou moins importants!
Mais qu'admirez-vous tant en lui, vous autres hommes?
Seroit-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous soin-

D'un grain moins que les
Eléphants. » [mes.

Il en auroit dit davantage :
Mais le
Chat, sortant de sa cage.
Lui fit voir, en moins d'un instant.
Qu'un
Rat n'est pas un Éléphant.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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