Poèmes

Le Loup, la Chèvre et le Chevreau

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

La
Bique, allant remplir sa traînante mamelle,

Et paître l'herbe nouvelle.

Ferma sa porte au loquet.

Non sans dire à son
Biquet :

«
Gardez-vous, sur votre vie,

D'ouvrir que l'on ne vous die.

Pour enseigne et mot du guet :

«
Foin du
Loup et de sa race! »

Comme elle disoit ces mots.

Le
Loup de fortune passe;

Il les recueille à propos,

Et les garde en sa mémoire.

La
Bique, comme on peut croire,

N'avoit pas vu le glouton.
Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton,

Et d'une voix papelarde
Il demande qu'on ouvre, en disant : «
Foin du
Loup! »

Et croyant entrer tout d'un coup.
Le
Biquet soupçonneux par la fente regarde : «
Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point »,
S'écria-t-il d'abord.
Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage.
Comme il étoit venu s'en retourna chez soi.
Où seroit le
Biquet, s'il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre
Loup avoit entendu?

Deux sûretés valent mieux qu'une.
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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