Poèmes

Le Loup, la Mère et L'Enfant

par Jules Laforgue

Jules LaforguePoèmes pour Mamans

Ce
Loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris :
Il y périt.
Voici l'histoire :

Un villageois avoit à l'écart son logis.

Messer
Loup attendoit chape-chute à la porte;

Il avoit vu sortir gibier de toute sorte,

Veaux de lait, agneaux et brebis,
Régiments de dindons, enfin bonne provende.
Le larron commençoit pourtant à s'ennuyer.

Il entend un
Enfant crier :

La
Mère aussitôt le gourmande.

Le menace s'il ne se tait.
De le donner au
Loup.
L'animal se tient prêt,
Remerciant les
Dieux d'une telle aventure.
Quand la
Mère, apaisant sa chère géniture,
Lui dit : «
Ne criez point; s'il vient, nous le tuerons. —
Qu'est ceci? s'écria le mangeur de moutons :
Dire d'un, puis d'utj^autre!
Est-ce ainsi que l'on traite
Les gens'faits comme moi? me prend-on pour un sot?

Que quelque jour ce beau marmot

Vienne au bois cueillir la noisette! »
Comme il disoit ces mots, on sort de la maison :
Un chien de cour l'arrête; épieux et fourches-fières

L'ajustent de toutes manières. «
Que veniez-vous chercher en ce lieu? » lui dit-on.

Aussitôt il conta l'affaire.

«
Merci de moi! lui dit la
Mère;
Tu mangeras mon
Fils!
L'ai-je fait à dessein

Qu'il assouvisse un jour ta faim? »

On assomma la pauvre bête.

Un manant lui coupa le pied droit et la tête :
Le seigneur du village à sa porte les mit;
Et ce dicton picard à l'entour fut écrit :

«
Biaux chires
Leups, n'écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie. »



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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