Poèmes

Le Corbeau Voulant Imiter L'Aigle

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

L'oiseau de
Jupiter enlevant un mouton.

Un
Corbeau, témoin de l'affaire.
Et plus foible de reins, mais non pas moins glouton,

En voulut sur l'heure autant faire.

Il tourne à l'entour du troupeau,
Marque entre cent moutons le plus gras, le plus beau,

Un vrai mouton de sacrifice :
On l'avoit réservé pour la bouche des
Dieux.
Gaillard
Corbeau disoit, en le couvant des yeux :

«
Je ne sais qui fut ta nourrice;
Mais ton corps me paroît en merveilleux état :

Tu me serviras de pâture. »
Sur l'animal bêlant à ces mots il s'abat.

La moutonnière créature
Pesoit plus qu'un fromage, outre que sa toison

Étoit d'une épaisseur extrême.
Et mêlée à peu près de la même façon

Que la barbe de
Polyphème.
Elle empêtra si bien les serres du
Corbeau,
Que le pauvre animal ne put faire retraite.
Le berger vient, le prend, l'encage bien et beau,
Le donne à ses enfants pour servir d'amusette.

Il faut se mesurer; la conséquence est nette :
Mal prend aux volereaux de faire les voleurs.

L'exemple est un dangereux leurre :
Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs;
Où la
Guêpe a passé le
Moucheron demeure.



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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