Poèmes

Le Chartier Embourbé

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Le
Phaéton d'une voiture à foin
Vit son char embourbé.
Le pauvre homme étoit loin
De tout humain secours : c'étoit à la campagne,
Près d'un certain canton de la basse
Bretagne,

Appelé
Quimper-Corenrin.

On sait assez que le
Destin
Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage :

Dieu nous préserve du voyage!
Pour venir au
Chartier embourbé dans ces lieux.
Le voilà qui déteste et jure de son mieux.

Pestant, en sa fureur extrême,
Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,

Contre son' char, contre lui-même.
Il invoque à la fin le dieu dont les travaux

Sont si célèbres dans le monde : «
Hercule, lui dit-il, aide-moi.
Si ton dos

A porté la machine ronde,

Ton bras peut me tirer d'ici. »
Sa prière étant faite, il entend dans la nue

Une voix qui lui parle ainsi :

«
Hercule veut qu'on se remue;
Puis il aide les gens.
Regarde d'où provient

L'achoppement qui te retient;

Ote d'autour de chaque roue

Ce malheureux mortier, cette maudite boue

Qui jusqu'à l'essieu les enduit;
Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit;
Comble-moi cette ornière.
As-tu fait? —
Oui, dit

[l'homme.


Or bien je vas l'aider, dit la voix.
Prends ton fouet.


Je l'ai pris.
Qu'est ceci? mon char marche à souhait :
Hercule en soit loué! »
Lors la voix : «
Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.

Aide-toi, le
Ciel t'aidera. »



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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