Poèmes

La Tête et la Queue du Serpent

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Le serpent a deux parties
Du genre humain ennemies.
Tête et
Queue; et toutes deux
Ont acquis un nom fameux
Auprès des
Parques cruelles :
Si bien qu'autrefois entre elles
Il survint de grands débats
Pour le pas.
La
Tête avoit toujours marché devant la
Queue.
La
Queue au
Ciel se plaignit.
Et lui dit :

«
Je fais mainte et mainte lieue
Comme il plaît à celle-ci :

Croit-elle que toujours j'en veuille user ainsi?
Je suis son humble servante.
On m'a faite,
Dieu merci,
Sa sœur et non sa suivante.
Toutes deux de même sang,
Traitez-nous de même sorte :
Aussi bien qu'elle je porte
Un poison prompt et puissant.
Enfin voilà ma requête :
C'est à vous de commander,
Qu'on me laisse précéder
A mon tour ma sœur la
Tète.
Je la conduirai si bien
Qu'on ne se plaindra de rien. »

Le
Ciel eut pour ces vœux une bonté cruelle.

Souvent sa complaisance a de méchants effets.

Il devroit être sourd aux aveugles souhaits.

Il ne le fut pas lors; et la guide nouvelle.
Qui ne voyoit, au grand jour,
Pas plus clair que dans un four,
Donnoit tantôt contre un marbre.
Contre un passant, contre un arbre :

Droit aux ondes du
Styx elle mena sa sœur.

Malheureux les États tombés dans son erreur!



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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