Je marchais silencieux près des grands pâturages.
Le ciel était clément. Les astres dans les yeux,
Je voyais l’univers, calme voisinage
Vêtu d’obscurité et de secrets radieux.
On entendait au loin, dans la forêt enceinte,
Comme un clairon enroué, le brame d’un vieux cerf.
C’était l’heure propice où l’amour se fait plainte,
La plainte se fait cri, le cri se fait concert.
J’étais seul. Mes pensées – solitaire, l’homme pense -
Vagabondaient là-bas, dans le grand firmament,
Et allaient quereller, brisant leur nonchalance,
Les âmes de nos morts qui dormaient sagement.
- Réveillez-vous, les morts ! Venez à ma rencontre.
J’ai besoin de savoir ce qu’il y a là-haut.
L’ignorance est un crime, une plaie à l’encontre
Des vivants. Dîtes-moi, je vous prie, en un mot,
Le mystère des morts. Que deviennent nos âmes
Dans le néant lugubre ? Où vont-elles la nuit ?
Y a-t-il une vie quand la vie perd sa flamme ?
Le noir se fait-il jour ? L’espoir est-il permis ?
Je ne veux pas partir sans avoir de réponse.
La vie n’a point de sens, la vie est une erreur,
Quand toutes les questions que les hommes prononcent
Demeurent ignorées dans l’écho expiateur.
Tout en broyant du noir, j’attendais qu’on me dise.
Mais rien ne vint. Rien, aucun signe, aucune action.
Tout n’était que silence, un silence qui brise.
Je demeurais idiot, ruminant ma question.
Soudain, un corbeau vint. Se posant sur la branches
D’un chêne centenaire, il me considéra.
C’était un vieux corbeau, hardi, la mine franche,
Qui en avait vu d’autre, à qui on n’la fait pas.
Face à face, longtemps, nous nous dévisageâmes.
Alors, m’enhardissant, comme à un vieux copain
Qu’on a perdu de vue et que le cœur réclame,
Je lui dis : te voilà, vieux camarade, enfin !
Cela fait si longtemps que j’attends ta venue.
Et te voilà, vieux frère ! Alors dis-moi. Dis-moi
Ce que je veux savoir. Quel est ton point-de-vue ?
À quoi nous sert de vivre et de mourir ? Pourquoi
Toute l’agitation de ce monde fébrile ?
L’oiseau se mit à rire. Et son rire narquois
Était la vraie réponse à ma question débile.