Comme j’étais assis auprès de ma maîtresse,
Les yeux luisants au ciel, buvant avec ivresse
Les étoiles jaspées au cœur du firmament,
Elle me dit : « Rêvons, mon ami, mon amant.
Rêvons à notre vie, à nos heures glorieuses,
Aux mystères sucrés de nos nuits enjôleuses,
Aux chagrins à venir des sombres lendemains.
Jadis, nous étions forts. Nous nous serrions les mains.
Rien ne nous contrariait. Ni la peur, ni l’angoisse
N’altérait notre foi. Nous avions pour paroisse
L’amour et pour clocher notre fidélité.
Toutes nos saisons avaient un goût d’été.
Nous avions des secrets ; nous avions des mystères ;
Mais jamais le mensonge ébranlait nos frontières.
Nous nous aimions jadis et nous ne faisions qu’un.
C’était hier… Hélas ! Que serons-nous demain ?
De vieux amants distants aux caresses perdues.
Deux étrangers tirant l’un à dia l’autre à hue.
Est-ce ce que tu veux, ô mon astre chéri ? »
Et ce disant, l’œil pâle et le front rembruni,
Elle me tend la coupe où flotte la ciguë.
« Bois, me dit-elle, bois. La mort est bienvenue.
Ainsi jamais l’ennui ne nous séparera.
Nous vivrons pour toujours le même nirvana. »
J’ai porté de ses mains cette coupe à mes lèvres.
Dès lors de ses baisers, j’ai partagé la fièvre.
Et, tandis que la nuit dans mon cœur se posait,
Je vis dans ses yeux noirs l’étoile qui montait.
L’étoile du soir
par Lemarcis Christian
Extrait de:
La règle du jeu