Non loin des cours d'eau et des ruelles compliquées qui enlacent mes vertèbres
tout près des laitances d'ombre que déposent obscurément les meubles
quand ils forniquent avec les cloisons
à l'extrémité nord d'une large esplanade qu'une fille aveugle ne pourrait contenir dans le gouffre d'aucun de ses yeux
il y a la bouche d'une maison
dans cette maison une bouche
et dans cette bouche une langue
beaucoup plus douce à habiter que ne sont même les plus douces et paisibles maisons
Immeubles neufs
murs ravalés à coups de truelle chargés de sang et de
plâtras circulation d'eau chaude lumières éblouissantes d'une seule haleine vous tombez lorsque ces dents se
changent en étincelles chaleureuses comme les soirées d'orage alors que les
cartes à jouer quittent les mains des joueurs hâves
et hagards et que tout dans le monde semble prêt à se réduire d'un
coup en pièces d'un seul éclair se déchirer à belles dents
Les femmes que j'aime ce n'est jamais celles que vous
croyez qui ont des seins pointus des ongles de poignard et des
yeux de phosphore celles dont les paroles sont onduleuses comme la route
que suivent les torrents
J'aime celles dont la bouche est pareille à une robe
déchirée entr'ouvrant son accroc luisant sur la blancheur
terrible d'une épaule près du collier qui brinqueballe ainsi que grelottent
des dents des dents de carnassier aux babines aussi douces que
du lait malgré les griffes qui s'accrochent dans le vent
Qu'importe les événements des places publiques l'ivrognerie qui ne me sert aucunement à oublier mais seulement à hâter l'avènement de constructions
plus mystérieuses et plus sensuelles où mon regard triompherait sans coup férir des becs de
gaz et des maisons
Celle que j'aime a le mérite d'être éternellement inconsciente et extérieure à mes secrets
Elle se tient debout devant moi comme un mur
de temps à autre se déplace comme un oiseau
et j'aime ses mouvements lents et titubants de bête à
fin de course son pas glissant
sa silhouette blanche et inhumaine de vieux paquebot désemparé errant couvert de neige
au point le plus glacial des océans polaires
quand l'aurore boréale craque et s'émiette
dans un halo bizarre
et semblable à celui qui dans cette ville que je connais
survole chaque nuit le fard des femmes
les yeux mi-clos des gens qui passent
le métal noir des réverbères
et la pierre des tombeaux
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012