Poèmes

Jolly Fellow

par Michel Leiris

Quand il est né

certains disent qu'il avait

des filaments de mal de cœur à la place du liège

de ses cheveux

un bouchon de cœur à la place du liège

un bouchon de liège à la place du cœur

Toute la famille pâlit

les boiseries craquèrent

mais les fées aux bouches longues comme des fleuves

qui charrient des fièvres chantèrent toutes en chœur :
Hé s ajolly fellow nom de
Dieul
He's a jolly fellow

Ses mains étaient des lèvres

ses lèvres des narines

et son front une fève

sèche et serrée comme le poids du génie

quand il abat d'aplomb sa peste pulmonaire sur les épaules d'un adolescent trop vite poussé qui croit encore à la folie du vent à la fraîcheur des roses
maraîchères

Tout jeune il aimait, lui, la piraterie — ou-bien plutôt l'atroce pitrerie — des luttes amoureuses les bouches collées à ses pieds de sourcils le cercueil des
nombrils les dents rivées à ses ongles moqueurs
Tout jeune il profitait déjà des amoureuses de leurs caresses délétères mais surtout il aimait se saouler et vomir comme pour recracher toutes les pourritures de ciel
et terre
Hé s ajolly fellow nom de
Dieu!
Hé s a jolly fellow

Il se promenait en sifflotant

et les airs qui sortaient de ses dents

égayaient jusqu'aux plantes potagères

qui poussent dans de petits enclos extrêmement

dégoûtants arrosées par les pleurs les pollutions secrètes de la terre

Un ragtime en suit un autre
Une aventure en vaut

une autre dans ce bagne de verres vidés où nous claquons du bec

littéralement

quand il abat d'aplomb sa peste pulmonaire sur les épaules d'un adolescent trop vite poussé qui croit encore à la folie du vent à la fraîcheur des roses
maraîchères

Tout jeune il aimait, lui, la piraterie — ou-bien plutôt l'atroce pitrerie — des luttes amoureuses les bouches collées à ses pieds de sourcils le cercueil des
nombrils les dents rivées à ses ongles moqueurs
Tout jeune il profitait déjà des amoureuses de leurs caresses délétères mais surtout il aimait se saouler et vomir comme pour recracher toutes les pourritures de ciel
et terre
Hé s ajolly fellow nom de
Dieu!
Hé s a jolly fellow

Il se promenait en sifflotant

et les airs qui sortaient de ses dents

égayaient jusqu'aux plantes potagères

qui poussent dans de petits enclos extrêmement

dégoûtants arrosées par les pleurs les pollutions secrètes de la terre

Un ragtime en suit un autre
Une aventure en vaut

une autre dans ce bagne de verres vidés où nous claquons du bec

littéralement

Alors comme d'habitude il dégueula

puis tout naturellement ses yeux se dilatèrent

«
Un bon morceau de cervelas ferait beaucoup mieux

notre affaire, crièrent les vers qui le rongèrent.
He's a jolly fellow nom de
Dieu!
Il nous faut donc manger son corps de martyr glorieux »

La neige douce de son corps de son ventre de visage de son village d'aisselles fondit lentement et sans chansons sous la caresse de cette vermine insoucieuse des vaisselles
Un clocher se dressa des persiennes claquèrent puis les oiseaux revinrent en ribambelles et plus d'une cruche se fêla

Jusqu'à la nuit les matelots dansèrent

Les verres furent bientôt vides et l'on se sépara

mais dans une ruelle obscure plusieurs mendiantes

jusqu'à l'aube chantèrent : «
He's a jolly fellow nom de
Dieul
He's a jolly fellow

Mais qui donc

qui donc ouvrira la fenêtre? »



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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