Poèmes

Figurez-Vous un Peu

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Oh! qu'une, d'Elle-méme, un beau soir, sût venir,
Ne voyant que boire à
Mes
Lèvres! ou mourir....

Je m'enlève rien que d'y penser 1
Quel baptême
De gloire intrinsèque, attirer un «
Je vous aime »!

(L'attirer à travers la société, de loin,

Comme l'aimant la foudre; un ', deux! ni plus, ni moins.

Je t'aime! comprend-on?
Pour moi tu n'es pas comme
Les autres; jusqu'ici c'était des messieurs, l'Homme....

Ta bouche me fait baisser les yeux ! et ton port
Me transporte! (et je m'en découvre des trésors....)

Et c'est ma destinée incurable et dernière
D'épier un battement à moi de tes paupières 1

Oh! je ne songe pas au reste 1
J'attendrai,
Dans la simplicité de ma vie faite exprès.....

Te dirai-je au moins que depuis des nuits je pleure,
Et que mes parents ont bien peur que je n'en meure?...

Je pleure dans des coins; je n'ai plus goût à rien;
Oh! j'ai tant pleuré, dimanche, en mon paroissien!

Tu me demandes pourquoi
Toi? et non un autre....
Je ne sais; mais c'est bien
Toi, et point un autre!

J'en suis sûre comme du vide de mon cœur,
Et.... comme de votre air mortellement moqueur...


Ainsi, elle viendrait, évadée, demi-morte,
Se rouler sur le paillasson qu'est à ma porte!

Ainsi, elle viendrait à
Moi! les yeux bien fous!
Et elle me suivrait avec cet air partout !



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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