Léger
Léger marchons légère
Léger marchons légèrement
Les gens rencontrés à la guerre
Léger te ressemblaient beaucoup
C'étaient des
Français de naguère
Un cache-nez autour du cou
Grands ou petits blonds bruns ou roux
Qu'y faire
Ils s'organisaient dans l'enfer
Ces grands enfants de n'importe où
Avec leurs gamelles de fer
Nés autrement que dans les choux
Affaire affaire d'atmosphère
Quatorze ou quarante c'est tout
Comme
Tiens ça ne rime plus ces vers
Les toits sont rouges les champs verts
Léger
Léger marchons légère
Léger marchons légèrement
Ce monde est un immense camouflage où la couleur et l'ombre
Cachent l'homme et le découvrent tour à tour
Comme s'il glissait entre des panneaux ou des cartes
Il ne faut pas trop se presser pour abattre son jeu
Car même pris la main dans le sac
Ou dans quelque flagrant délit de rêve
Même dans les phares inventés pour trouver la nuit devant les voitures
Même sur un de ces sacrés plateaux de gadoue et de craie
Qui sont comme le dos de la main et encore à cause des poils la comparaison
Pèche
Dans ces bleds si désespérément plats que c'est vraiment trop commode
D'y tirer l'homme ou le lièvre sans qu'il y trouve une ride ou un trou
Pour faire son plongeon
Même sur le billard avec le ventre ouvert
Il y a toujours moyen de se sentir confortable comme dans une forêt
Avec des feuillages pour toutes les sortes de pudeur
Le camouflage croyez m'en ça c'est du grand art dans la vie
Le génie après tout c'est savoir se déguiser en courant d'air
Quarante villes croient avoir mis
Homère au monde et lui pardon
Pas si aveugle que tout ça
Vous voyez ce que je veux dire
Non
Eh bien
Richard
Wagner
Va toujours le chercher entre ses
Walkyries
Heïotoho
Heïotoho tout juste un profil sous son béret de velours
Mais si tu tombes dans la peinture alors pour le courant d'air
On peut s'en payer une pinte
II y a
Le courant d'air
Durer et le courant d'air
Botticelli
Par exemple
Suivant que tu fais dans la frisette ou le cuir repoussé
Quant à l'impressionnisme en matière de camouflage il se pose la
Mais voilà nous autres le tout venant pour se faire oublier
Il faut dire ce qui est mon vieux on manque de technique
C'est tout le temps comme si nous on se baladait en bannière
Et puis je vais t'avouer quelque chose
Moi je n'ai jamais tout à fait pu me faire aux feuillées
Pas tant la gêne du public que bicose le désinfectant
Un champ le peintre il y est à son centre
Toutefois
Il ne faut pas confondre gogues et
Van
Gogh
Et tant pis si cette plaisanterie un tantinet scatologique
Échappe légèrement au fantassin de deuxième classe
Tout cela à propos de cagnas parce qu'on ne peut pas passer
toute sa vie
À fignoler des bagues en aluminium
Et pour ce genre-là de conversation mon ami
Guillaume
Apollinaire
Eh bien il en connaît un bout
Il a même inventé quelque chose qui ressemble à du
camouflage parlé
Il appelle cela des calligrammes et c'est vrai que c'est joli à voir
Pourquoi c'est vrai
Parfois
Fernand
Tu dis des mots dont on ne voit pas pourquoi
Comme cette idée à toi de m'appeler
Professeur moi qui n'ai pas mon
Certificat d'Études
Tu parles si tu peignais pareil tu parles
C'est alors que ce serait du joli
J'ai dit
C'est vrai parce que c'est vrai que c'est joli
Et puis calligrammes c'est comme quand tu as de belles fesses
Professeur
On dit voyez-vous le
Professeur il est salement callipyge
Tu piges
Non
II faut avouer qu'il n'y a pas beaucoup de quoi rêver chez toi côté fesse
Et puis tu ne m'amuses pas
Professeur va-t-en voir s'il pleut
Que je me camoufle dans la solitude
À l'état d'esquisse une silhouette sous ues halos bruns et jaunes
Du léopard du véritable léopard
Comment tu ne sais pas ce que c'est que le léopard
On n'en voit pas dans ton village
Professeur
Et les roses malabars à moustaches qui font des haltères le; jours de marché
C'est une culotte de quoi qu'ils ont si tu n'as jamais vu de léopard
À vrai dire la peinture c'est toujours un peu du léopard
Nous seulement on fait des poids avec autre chose
Et si tu n'as jamais vu de léopard tu as vu de la peinture
Alors tu en as un petit aperçu du léopard
On se langue à dire ce qu'on a dans la tête
Eugène passe-moi le mirliton
Léger
Léger il pleut bergère
Le monde est en dérangement
Qu'importe si je mens ou j'erre
La guerre n'est pas passagère
Et l'homme y fait son logement
Marchons marchons marchons légère
Sans bousculer les étagères
Sans casser la crosse aux fougères
Car c'est toujours le régiment
Léger
Léger marchons légère
Léger marchons légèrement
Pardonnez pardonnez-moi ce langage
Tout est à réinventer les mots comme les gens
Mais je vous dis que
Fernand
Léger ressemblait à s'y méprendre
À vous et moi peut-être dans le format au-dessus voilà tout
Et quand nous étions couleur d'horizon
J'ai connu des types qui disaient encore
J'avons
Comme s'ils sortaient tout droit de
Molière
Ce ne serait plus possible maintenant
Que tout le monde parle comme la radio même dans les betteraves
Avec
Jean-Sébastien
Bach à l'accompagnement
Des gens qui ne croyaient à rien prêts pourtant à tout croire
Tous à la même enseigne et je voudrais vous les montrer
Parce que la poésie à l'inverse de la peinture est faite
Pour montrer l'homme et non point le camoufler
Aussi croyez-moi c'est une chose très dangereuse en temps de guerre
Je voudrais vous montrer
Fernand
Léger
Ce grand gaillard avec des taches de rousseur et la moustache en brosse
La bouche amère quand il ne rit pas mais il rit souvent
Il se gratte la tête devant le monde et tout le jette dans la perplexité
Il y avait des jours qui n'en finissaient plus
Et depuis longtemps on n'avait plus rien à apprendre les uns des autres
Ni comment se planquer ni sur les molletières
C'est cela les tranchées
Pourtant il renaît peu à peu des différences
Le caractère et les façons de chacun
Il y a ceux qui chantent la romance et ceux qui ne la chantent pas
Il y a les farceurs et de temps en temps il y a les morts
Un homme on commence à le voir au milieu des autres
Quand il est tout seul ce n'est pas un homme c'est un portrait
Je voudrais vous faire voir
Léger au milieu des autres
Pour les différences car sans cela
La tête sur les épaules deux bras deux jambes
Cela peut faire un bonhomme pour un écolier mais à mon goût
C'est trop astrait ça n'a ni la voix
Ni l'odeur de l'homme
Je ne fais pas le portrait de
Fernand
Léger
J'en parle
Je le prends par la guerre comme par la main ou par le pied
Parce que dans la suite des temps quand on a bêtement cru que
c'était fini
Lui sa vie elle était toujours un peu comme s'il y avait
encore la guerre
Et tous les gens autour de lui qu'il prenait pour des copains
Sauf qu'il s'arrangeait beaucoup moins bien qu'eux dans l'existence
Et que le camouflage se faisait maintenant sur des toiles de trente
Il y avait des gens pour en vivre fort bien pas lui
Peut-être étaient-ce ceux-là mieux que lui qui poussaient la romance
Et lui quand il s'arrêtait de peindre
Il ne crachait pas non plus sur un air d'accordéon
Dans un petit bal quelque part pas loin des fortifications
C'était hier mais on n'allait pas encore dans la lune
Sur les bouteilles les bouchons étaient encore en bouchon
Et
Paris avait des fort ifs avec de l'herbe et des boîtes de conserve
On ne se faisait aucune idée de la
Télévision
Le monde en général ressemblait au
Douanier
Rousseau
Je ne raconte pas la vie de
Fernand
Léger
J'en parle
A ma manière et je ne ressens pas le besoin par le menu d'écrire
Son atelier rue
Notre-Dame-desChamps
En général moi non plus je n'aime pas les cancans
Et dans le civil moi non plus je ne me suis jamais fait aux fcuillées
On ne tirera pas un film de mon poème
On ne fera pas
De
Fernand
Léger d'après moi le héros d'un
Montparnasse aux lumières
Il ne dansera pas la java
Rue de
Lappe il ne rencontrera pas au
Dôme
Ou à la
Rotonde
Modigliani
Je ne soufflerai pas mot de sa cravate
Et s'il portail une flanelle il y aura bien quelqu'un pour le dire à ma place
Ou le tabac qui lui plaisait
Je parle d'un homme qui peignait tout le long du jour
Et qui rêvait du divorce de la couleur et du dessin
Je parle d'un homme qui le premier au monde a peint des fumées
Je parle d'un homme de chair et de sang dans une grande pièce
vitrée
Qui va et vient lit un peu s'assied sur une chaise
Et puis reprend ses pinceaux et de grandes couleurs propres
préparées
Et regarde sa toile par lui promise uniquement à figurer
La beauté de ce temps qui est à la fois le sien et le nôtre
Un grand corps très maladroit dans cette vie
Qui donnait tout ce qu'il avait à n'importe qui
Sans se rendre bien compte des saisons qui passent
Un homme émerveillé par la nouveauté de tous les jours
Un manège à la foire
Une machine à sous
Un trousseau de clefs
Et qui peint un monde sans ombre un monde vertigineux
d'acrobates
De nageuses et d'ouvriers
Ce n'est pas moi qui décrirais cet homme-là par l'anecdote
11 est plus facile de parler d'un poète
Que de décrire l'homme qui peint sans doute
A cause de cette crainte qu'on a du jargon de la peinture
De cette poésie à la noix dans tous les catalogues d'exposition
Et
Léger n'a guère été non plus épargné dans ce sens-là
Je prendrai ma ceinture et j'en ferai un fouet
Pour chasser les grands mots savants la philosophie
Le cosmos et le bazar d'images devant moi comme des
mouches
Tous les passeports verbaux de ce qui ne relève que de l'oeil
Pour parler de
Léger je ne prendrai dans mes doigts que
Les matériaux de tous les jours
Les mots qui sont chez eux dans la bouche
Les objets qu'on peut toucher sur la table ou chez l'épicier du
coin
Il y a plus de prodige dans un moulin à café que dans tous les
séraphins du ciel
Et pour lire l'avenir au lieu d'une boule de cristal ou des tarots
Donnez-moi de vulgaires mains mutilées par le travail
Il est plus facile de parler en vers des grands voyageurs maudits
Ou des chefs d'armée
Il est plus facile de parler en vers d'une tasse de porcelaine
Ou des
Iles
Borromées
II est plus facile de parler en vers de la nuit des choses inaccoutumées
Il est plus facile de parler en vers de la chasse à la baleine
Plus facile de parler du crime et des abîmes de l'âme
Que d'un peintre dans ce parfum d'huile et de térébenthine
Qui met ses figures à l'abri des lettres surhumaines de la réclame
Et d'abord il prend à la disproportion des choses réelles
Les traits du présent pour l'avenir mais bientôt
C'est le paysage qui va l'imiter dans sa démarche et sa pensée
Le décor du monde aura l'air de suivre une mode par lui lancée
Naturellement on a déjà vu les appareils photographiques
Se mettre à faire avec un peu de retard du
Renoir ou du
Seurat
Tandis que les peintres de l'école moderne déclaraient
Qu'on ne peut pour la ressemblance
Concurrencer la photographie
Mais avec
Léger ce n'est pas de cela maintenant qu'il s'agit -
C'est la vie elle-même qui s'est mise à le copier à le plagier
Si bien qu'on pourrait devant les tribunaux la poursuivre
Assigner la
Seine-et-Oise pour faux et usage de faux
Tout entière et ce ne serait pas assez
Et voilà qu'il a beau être mort
Léger continue
Il a gagné les nouveaux immeubles qui se bâtissent
Comme une épidémie en couleur
Sa signature est sur le visage des banlieues detLusines
Il n'y a pas un aéroport qui ne soit tributaire de sa source
Et je ne suis pas sûr n'y ayant pas été qu'il n'y ait pas
Son gros trait noir au
Cap
Canaveral
C'est toujours ce jeune homme venu de
Normandie
Un beau jour avec tout le troupeau conduit à la tuerie
Comme son père menait les bœufs des environs de
Lisieux à
Paris
Aux
Abattoirs
On n'expliquera jamais de façon satisfaisante l'histoire
De comment il a pu passer d'un métier à l'autre bâti comme
il était
Toujours est-il au début du siècle qu'il avait fait le portrait de
son oncle
Et toute sorte de petits jardins très ressemblants dans le genre
de
Claude
Monet
Mais comment les choses changèrent
Les choses changèrent comment
Marchons
Léger marchons légère
Ce fut assez étrangement
Marchons
Léger légèrement
La
Seine-et-Oise j'y reviens
Elle s'est mise à ressembler furieusement à la peinture de
Léger
Un certain rapport des toits de tuiles des oiseaux des fils télégraphiques
Une enseigne sur un bout de jardin sans parler des postes à
essence
La disproportion des postes à essence et des pavillons qu'on
habite à côté
Cette espèce de comédie quotidienne de la couleur pour vous
arrêter sur les routes
Une gesticulation humaine dans la petite nature où passent les
autos
Les gens sont de la grisaille avec de la couleur en dehors
On sent
Paris pas loin qui commence à tout bouffer de son
mâchefer
Mais entre les édifices déjà fleurant la banlieue
Il pousse toujours un peu de printemps provisoire
Du printemps qui ne se reproduira bientôt plus ici pour peu
qu'on lotisse
Un printemps précaire qui porte gaiement son propre deuil de lilas
Ou de glycines
C'est ce moment entre la ville et la campagne ce moment
D'herbe et de tuile creuse qui caractérise si bien
Cette charnière du siècle ce passage
Entre
Corot et comment s'appellera-t-il le peintre de l'urbanisation totale
C'est ce moment qui est
Léger
Ce moment rêveur comme une bouteille de lait devant la porte
Un vélo par la roue accroché dans un arbre
Le métro qui s'amène jusqu'à
Orsay avec des airs de chemin de fer
Les petits viaducs et les nuages sur mesure au paysage
Tout cela neuf et déjà sur le point de disparaître
Du carreau de plâtre et du contre-plaqué
Un jour on la regardera cette
Seine-et-Oise avec un certain attendrissement
Ce sera des
Léger comme des
Watteau les
Fêtes
Galantes
Dans ces parcs depuis longtemps morcelés ce monde incompréhensible
À notre époque de radars et de scooters
Les grands peintres sont ceux qui ont fixé les choses périssables
Les canotiers sur la
Marne ou
Madame
Samary
Un petit coup de soleil avec un petit coup de blanc
Un jour on la regardera cette
Seine-et-Oise
Et on se dira quelle drôle de chose c'était
Comme une écharpe toute rapiécée de travers autour de
Paris
On ne peut plus comprendre ce que cela pouvait être comme patriotisme
La
Seine-et-Oise
Argenteuil en même temps et les
Vaux-de-Cernay
La culture maraîchère et la chasse à courre
Et
Léger au bord de la route au
Gros-Till»ul le bras sur les épaules de
Nadia
La
Seine-et-Oise
Un entracte au temps des guerres et des révolutions
Et un enfant bossu qui habite en face
Et qui de temps en temps vient regarder ce grand type en train de peindre
Des choses incompréhensibles mais gaies
Or on en a bien besoin quand on est un petit bossu de
Gif-sur-Yvette
Et de ces grandes fleurs en céramique sur le pas de la porte
Qui font un pas en avant comme une personne humaine
Et ne se flétrissent pas l'hiver
Petit bossu tu ris petit bossu tu nous ressembles
Tu ne te poses pas de question sur la
Seine-et-Oise
Tu y vis
Et alors qu'est-ce qu'il passe comme voitures le dimanche
Il y en a qui se cassent dans les tournants
II faut aller voir ça
Bien que cela fasse un peu constructiviste comme nature morte
Mais il y a toujours des éléments à prendre dans les accidents
Des idées de superposition qu'on n'inventerait pas tout seul
Ah ce chemin qu'on a fait depuis les
Primitifs
Le premier qui a peint un dé-à-coudre
11 n'imaginait pas les pylônes à haute tension
Avec les balises vertes rouges ou bleues pour les aviateurs
imprudents
Et même tenez
Michel-Ange eh bien je parie
Qu'il n'aurait pas imaginé la
Seine-et-Oise
Ça non
Et moi je te vous en foutrai des
JUGEMENT
DERNIER
Pour une petite ballade en teuf-teuf avec des pull-overs à raies
et des bras nus
Sans oublier que la route c'est bien le diable
Si elle n'est pas toujours longée de fossés jaunes avec des travailleurs algériens
Qui mettent la canalisation
Tandis que le jardinier repique ses pensées
Et des demoiselles à lunettes passent avec un slip et un soutien-gorge
Un pain dans leur sac à ouvrage
Tiens un avion tout le monde lève le nez en l'air
Et lui fait de grands froufrous blancs dans le ciel
Avec tout ça vous n'allez pas prendre des airs lugubres
Ce n'était pas le genre du défunt
D'ailleurs
Le voilà sur la
Centrale gazière d'Alfortville
Une drôle de flamme je vous dis qui lui sort du réchaud sur le grand mur blanc
Et toutes les couleurs qui sont si loin de la mort et qui s'organisent
Ce n'est encore qu'un petit essai de résurrection
Une façon de voir comment ça serait pris
Si le troisième jour il sortait de son tombeau s'asseyait sur la pierre
Et disait aux gardes endormis
Alors quoi les gars on roupille
Tout cela sans l'ombre d'un ange dans le décor
Peut-être bien une
Marie-Madeleine qui passait par là
Mais par hasard et la tête à tout autre chose
Ce qu'il te faut
Fernand ce n'est pas
Alfortville
Ni la
Seine-et-Oise à cette heure
Tu n'as plus de temps à perdre avec la pluie
Il te faut un éternel soleil
Une peinture du ciel comme un coup de poing en pleine figure
Tu poses ton blanc sur le bleu sur un bleu
Imprenable
Tu vas te tailler un habit qui aille à ta carrure d'immortalité
Parce que les épaules ça tu en as à ton art
Je te demande un peu ce que tu pourrais faire d'un tombeau avec ces épaules-là
Abandonne la
Seine-et-Oise et ce petit cimetière de rien du tout
Viens chez nous là-bas devant la mer et le ciel
Dans ce sacré pays d'oeillets et de serres
On ne fait plus d'assez grandes églises pour le
Bon
Dieu de nos jours
Fais-leur honte avec ton bâtiment et la gloire de ta peinture
On y jouera pour toujours au ballon il y aura
Des cyclistes pour toujours et le soleil qui tape là-dedans que ça brille
Juste assez pour qu'on s'y reconnaisse et des formes tout autour
Qui ne sont rien de bien précis mais seulement ta volonté
Exigeante un signe impérieux de ta présence
La preuve par neuf à jamais que tu as vécu
Que tu vis
Fernand là-bas au-dessus de la
Côte
Et de tout ce tohu-bohu qui dévale dans la première quinzaine
d'août
Et tout ce qu'ils peuvent bien inventer tous nus dans la grande
lumière
Des filles des garçons brûlés des vieux messieurs en shantung
Et ça chante et ça se saoule et ça fait un chahut du diable
Mais quand le matin se lève au-dessus de ce monde vanné
Alors il y a ce grand fronton colorié sur l'azur
Comme un paraphe délibéré traversant l'espace
Une espèce de pureté comme on croyait qu'il n'y en aurait plus
Après cette affaire d'Adam et
Eve
Un papillotement des yeux dans la chaleur
Un grand rire au-dessus du tout
Une façon de crier à tous
Vous voyez je suis vivant
Je brûle je brille j'éclate je m'étale je vous parle
Je parais
Optimiste va c'était donc ça ton camouflage
Il a fallu deux guerres pour en arriver là
Et tu ressembles
Léger ô
Normand à la face de couleur
Dans la lumière de
Provence
Assis là comme une exagération de ta carrure
Au milieu des arbres qu'on a pour toi plantés ici déjà géants
Parce que des petits auraient eu honte
Te voilà comme
Ramsès à l'entrée du désert
Comme
Chartres sur ses champs de blé
Comme un soldat qui en a fini pour de bon cette fois de la
guerre
Et qui s'assied devant tout le monde enlève ses godasses
Et contemple ses pieds nus avec une délectation non dissimulée
Tu es là comme une grande paix blanche et joyeuse
Pour toujours
Ô
Léger qui mesures tout à ta démesure
Comme toujours au milieu des hommes à la fois
Pareil et dissemblable à eux
Tu as beaucoup appris beaucoup compris depuis quatorze
Mais tu n'en fais pas beaucoup de foin
Tu te contentes d'être dans le soleil et de briller
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012