Ecoule, bûcheron, arrête un peu le bras
Tu tues ma mémoire avec ces arbres
J'ai songé dans le bocage que tu abats
J'ai suivi mainte muse sous cet ombrage
Ta hache fait couler la résine crois-tu
Mais c'est mon souvenir que tu tues
L'odeur des corps les seins la douce aisselle
Toute la mémoire bocagère tombe sous tes armes
N'entends-tu les oiseaux crier l'alarme
Ou sous l'écorce un chœur effrayé qui t'appelle
Ne vois-tu le lait dans le bois que tu entailles
O ces figures en larmes dans la faille
Ecoute, bûcheron, suspends un tel dégât
C'est plus qu'une forêt que tu jettes à bas
Tu ne connais même pas qui tu assassines
Arrête un peu ton bras, t'avertissait
Ronsard
Lorsque tu détruisais la forêt de
Gastine
Songe à ce bois tout en cendre plus tard
Au désert de
Ropraz attristé de troncs morts
L'oiseau ne trouvant plus l'accueil de nulle branche
Bientôt le vide à cette place ô boue blanche
Au lieu de la verte frondaison, par ton tort
Arrête, bûcheron, laisse un méchant travail
N'entends-tu ces appels sous le concert des haches?
Mais tu n'écoutes rien et c'est ce qui me fâche
Des respirations enfouies dans l'émail
Ou la moire soyeuse des mousses et des tiges
Moi je retrouve mes traces jusqu'au vertige
À chaque pas plus avant dans ce bois
Chaque trait de la muse au corps adroit
I.es mots qu'elle avait pour le sommeil et pour le
songe
Ainsi l'arbre dont le destin me ronge
Si tu l'abats tu me défais de ma vraie voix
Me laissant seul, sans troupe, bel arroi
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012