Poèmes

Élégie de Gustave Roud - Élégie

par Jacques Chessex

Jacques Chessex

Plus loin que le lieu reconnaissable
Roud

Il était un pays temporel et intemporel

Où la lumière s'établissait au-delà de la lumière

Les sources y venaient du fond du ciel avec les

siècles
Puisqu'il n'y a ni limite ni dissemblance

entre l'ici et
Tailleurs
L'oiseau parlait parmi les morts

En ce temps-là
Gustave
Roud la sauge le mélilot
Eclairaient dans l'ombre et la pente
Comme l'étoile au regard des disparus
Comme luit le brouillard

avec la lampe au songe des morts
Et l'errant rôde et les chiens

tirent sur leur chaîne
Le soir est encore mieux l'époux de la solitude

et du poème sans nul repère
Si l'été brûle au lointain des campagnes perdues
Et la voix de la mère en moi ne se tait pas
La première neige la couvre à peine
Ou l'herbe le passage du vent dans la haie

qui ne cache jamais plus d'absence

Ainsi le laboureur se tenait à l'entrée des terres
Comme le poète dans les tombes

Frère d'absence sans hâte ni crainte

au double abîme
Ainsi la hache des bûcherons sonnait sans âge à l'orée

qui brille
La fumée de leurs feux montait dans l'air immobile

comme l'air du
Paradis
Où nul orage, nulle secousse ne défait la soie de l'heure

sans heure
Ne défend de passer la limite entre les vivants et les

morts

On cueille la vipérine dans l'air noir
L'alouette chante son chant atteignable et

inatteignable
Et vous aimiez ce signe de chair encore et sans matière

Roud
L'oiseau visible de la terre des morts
Et l'appel au puits maternel bleu

Un lieu donné

Un lieu révolu pour les vivants et pour les morts

Plus de tristesse
Roud plus d'attente

La mère enfin rendue au fils

Leurs mains secrètes à jamais liées

Ou leurs âmes ensemble envolées

Se parlant et chantant et se taisant dans l'air lisse

Avec l'oiseau l'étroit ruisseau le vent sur les feuilles

Aux yeux des morts le mélilot

Si le lieu maintenant accueille

la mère et le fils
Encore sur la rive terrestre où vient l'appel
Et pour l'Instant retrouvé hors de toute part
Déjà la halte non imaginable de l'éternel

O requiem de l'absente ô présente si tu es
Parmi nous menacée et buvant l'instant
Blessure d'éternité quand la corolle à la nuit
Fond comme un dernier feu dans l'air
Et chante avec les disparus à l'épaule des collines
Toi
Roud si tu sais qui t'appelle et te nomme
Et se plaint sans visage et de tout son visage
Ce regret de l'instant inépuisable
Dans la fausse paix lumineuse des morts



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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