Si je dis vrai
De la prairie,
Il se peut
Que ce soit aussi
Pour changer
Quelque chose ici.
Est-ce que, justement,
Est-ce que dire vrai
Ne se reconnaît pas
A ceci que l'on sait
Que ce qu'on dit
Marque sa prise
Sur ce plein que l'on regardait
S'acoquiner avec du vide?
Agir sur ce fragment du monde
Qui se déclare en ce moment
Par la prairie,
Ce n'est pas nécessairement
Penser et dire
Ce qu'il semblait qu'on attendait
Sur les lieux mêmes.
Pour dire vrai sur la prairie,
Sur le moment qu'elle se donne,
Regardons, ou faisons semblant,
Bien en deçà, bien au-delà,
Dans une grille imprévisible
Où la prairie cherche son temps.
*
Je regardais la grille
Pour trouver la prairie
Dans son plus fort moment,
Et la grille m'a pris
Et m'entraîne et m'emmène.
Ainsi, je monte et je descends
A travers, autour d'une grille
Qui s'éloigne de la prairie
Dans la distance
Et dans le temps,
Tellement bien que la prairie
Pourrait finir par n'être plus
Qu'un souvenir, voire un remords,
Comme un drapeau qui flotte au loin
Entre le vent et le repos.
Je suis parmi la grille,
Dans du gris et dans du silence
Que vient brouiller
Le vert de la prairie.
Là quelque chose d'autre
Demeure la prairie
Ou plutôt le devient.
*
C'est donc ailleurs,
C'est dans un autre temps,
Qui paraît voguer
Hors du temps,
Que j'entends parler du moment
Où la prairie va se trouver.
Il ne faut pas exagérer.
Ce quelque part dans cette grille,
Dans ce va-et-vient par des temps
Qui tournent autour de l'instant,
C'est en fait mon observatoire
D'où mes yeux touchent la prairie
Avec mes mains.
Car sans toucher
On ne fait rien.
Herbes, depuis toujours
Traitées comme des herbes
Par le vent, le soleil, la pluie,
Tout ce qui veut
Faire parler ces lieux
Selon son propre code,
De cet endroit sans lieu
Où je suis dans la grille,
Je vous vois n'être plus
Que du vert et du calme,
Un calme, comparable
A l'intérieur des adjectifs,
Aux équations du premier degré :
Vous êtes le premier degré
De l'ouverture.
Il est toujours assez facile
De trouver l'ouverture,
De trouver le départ.
Il peut sembler que chaque fois
Que tu crois prolonger,
C'est pour trouver encore
De l'ouverture et du départ.
Mais reste avec ce vert
Et ce qui est autour.
Attends que viennent d'autres grilles
Si ça leur chante.
Toi, de ce vert
A ta mesure de sans mesure,
Avec ce qui se trame
Autour de cette tache
De silence et de va-et-vient,
Dans la couleur,
Dans l'eau repue,
Dans le silence,
Tu as de quoi.
Poème publié et mis à jour le: 13 March 2014