Poèmes

Complainte des Pubertes Difficiles

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Un éléphant de
Jade, oeil mi-clos souriant.
Méditait sous la riche éternelle pendule,
Bon bouddha d'exilé qui trouve ridicule
Qu'on pleure vers les
Nils des couchants d'Orient,
Quand bave notre crépuscule.

Mais, sot
Eden de
Florian,
En un vase de
Sèvres où de fins bergers fades
S'offrent des bouquets bleus et des moutons frisés,
Un œillet expirait ses pubères baisers
Sous la trompe sans flair de l'éléphant de
Jade.

A ces bergers peints de pommade
Dans le lait, à ce couple impuissant d'opéra
Transi jusqu'au trépas en la pâte de
Sèvres,
Un gros petit dieu
Pan venu de
Tanagra
Tendait ses bras tout inconscients et ses lèvres.

Sourds aux vanités de
Paris,
Les lauriers fanés des tentures.
Les mascarons d'or des lambris,
Les bouquins aux pâles reliures
Tournoyaient par la pièce obscure.
Chantant, sans orgueil, sans mépris : «
Tout est frais dès qu'on veut comprendre la
Nature. »

Mais lui, cabré devant ces soirs accoutumés,
Où montait la gaîté des enfants de son âge,
Seul au balcon, disait, les yeux brûlés de rages : «
J'ai du génie, enfin : nulle ne veut m'aimer ! »



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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