Poèmes

Clair de Lune

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Penser qu'on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l'épigastre.

Ah ! tout pour toi,
Lune, quand tu t'avances
Aux soirs d'août par les féeries du silence !

Et quand tu roules, démâtée, au large À travers les brisants noirs des nuages !

Oh ! monter, perdu, m'étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !

Astre atteint de cécité, fatal phare

Des vols migrateurs des plaintifs
Icares !

Œil steril comme le suicide,

Nous sommes le congrès des las, préside ;

Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;

Ô pilule des léthargies finales.
Infuse-toi dans nos durs encéphales !

Ô
Diane à la chlamyde très-dorique,
L'Amour cuve, prend ton carquois et pique

Ah ! d'un trait inoculant l'être aptère.
Les cœurs de bonne volonté sur terre !

Astre lavé par d'inouïs déluges.
Qu'un de tes chastes rayons fébrifuges,

Ce soir, pour inonder mes draps, dévie.
Que je m'y lave les mains de la vie !



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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