Poèmes

Chant Troisième

par Henri Michaux

Henri Michaux

L'année était comme un mur devant la race des hommes.

La
Terre, jusqu'au plus haut, était une seule laitance d'où l'on n'arrivait pas à sortir la tête.

Pourtant travaillaient les hommes et travaillaient comme jamais n'avaient travaillé, sans regarder le soleil, sans regarder leur temps qui s'écoulait inexorable, et plus
travaillaient, plus étaient poussés à travailler, pelletant, pelletant sans cesse sous la gigantesque hémorragie; et la mort, avec simplicité, venait au bout comme une
étoffe fatiguée, comme une étoffe fatiguée qu'on découd ou comme une addition qu'on avait oubliée et qu'on vous présente au moment d'ouvrir la porte.

La civilisation boutiquière s'obstinait.
On disait qu'elle craquait.
Mais tout en craquant elle s'obstinait.

Cependant, comptait ce siècle à statistiques, comptait, comptait éperdument, comptait les grains, les trains, les tonnes, les bébés, les veaux, les roues, les
épaules à porter les armes.

Il fallait un permis pour recevoir une bouchée de pain.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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