Déjà, les sucs émeuvent les enfants minuscules qui vivent dans les souches, les dés à coudre, les très petites boîtes d'allumettes.
Et nous osons longer la longue eau glauque.
Je romps le soleil de laine qui cache mes bonnes paroles.
Fragile tige de verre qui relie deux tempes.
L'évasion nous tente et nous courons toucher la menthe amie, l'herbe et ses scalpels, ses étendards aigus qui blessent les mains. 0 soleil sans souffle, te voici couché sur la
rivière, te voici noyé, doré liquide, écho sans tumulte, iris pur.
Corps hérissé: ficelles, bagues, fils de fer...
Le cœur d'un castor bat.
Les vêtements dont dieu tissa velours et flanelles se déchirent, s'éparpillent.
Le genou paraît bleu.
J'ai caché les échasses dans l'armoire en noyer.
Village: boule de maisons.
L'odeur blanche des tilleuls ameute bras et jambes.
Je passe la langue sur celle de l'agneau.
Le bleu monte à la tête.
Le tambour bat les tempes des voleurs de garçons.
À beau moudre
un cri d'oiseau dans sa cheville
celui que pique un coq...
Dès qu'un château flambe,
un enfant rêve.
Dès qu'un chemin se perd,
parmi ronces et rocailles,
bat le cœur, bat le tocsin.
Les doigts posés
sur les doigts : mûres
et pêches douces, et grenades
ont des noms de fruits.
Le pain fomente
complots bleus, provoque
cris de cris.
Et sonnailles de pleuvoir !
Parole de fil blanc
cousue de verre ou de liseron.
J'entoure ton corps
sans savoir qui tu es,
lampe où l'été
est torrent de poissons.
Pille tout: les œufs, les outils,
les vêtements
qu'on ne mettra plus.
Les doigts toucheront
les nouveaux doigts.
Pouces, pierres, pupilles
ont des souffles cachés.
Je les connais à peine:
je dors dans mon sommeil.
Tu tiens à peau de loup
la rivière dans ta nage.
Et voici nos habits déchirés.
Le cidre et l'oiseau
sont à nous.
Nos yeux nous appartiennent.
Salons carcasse et pain.
Suce la langue
de celui qui t'aime.
Pose le pouce
au milieu du dos de la main,
près de ta belle veine.
Et sois noir.
Déjà, tu changes
comme à chaque essaim,
dès la mort.
Contradiction du cœur
d'un coq-bulbe:
le mien devient sourd,
a de longues pattes,
au lever du soleil
est de verre.
C'est la rançon du souffle.
Automne.
J'erre
de herse en herse.
J'accours.
Je cours.
Je couds ensemble
doigts et cheveux.
Dans l'œil, la rivière
caresse le regard,
à l'insu des fileuses.
Qui veut me dire ou qui
me dira «j'étouffe»?
Là, dans le poing, le sabot,
là, dans le dé à coudre
où vit la flamme amenuisée.
Ronce, le feu.
Liesse d'eau.
Bel engin
qu'un colporteur de quilles
porte sous la peau.
Le pouce cherche l'ouverture.
Tombe le sel où le sel
n'assourdit ni la langue
ni le bleu couteau du savetier.
En parlant d une arme à feu, j'embrasse un feuillage.
J'étreins l'instrument qu'un enfant fabriqua, l'objet long de l'angine et du serpent à plumes.
Je surprends l'horloger, le maître et son enclume.
Déjà, les échines, les exils annoncent un bel hiver.
Médian, le vif.
Cœur très sûr dont le feu
enveloppe les doigts réunis,
enveloppe la langue de miel
Découvre émail ou molaire.
Sois détaché,
sois en
Asie,
debout, debout,
dans tes jambes.
Empêche la soif d'être à la bouche l'empire veuf.
Demeure très sec, à la limite de la peau, comme opaque.
Le givre affiche.
Le givre est rond dans l'odeur de l'œil.
Tu veux venir chez moi laver le feu, boire à l'aiguière, emporter l'étau.
Noueux mars dilettante voici ta graine.
Quel pouce te garde au bout de la quinzaine?
Dur noyau d'hiver enveloppé de laine.
Corps à quatre sangs dont la cheville s'enfonce vers le pays coiffé.
La ville de cent maisons est mangée de machines.
Nul puits n'y protège le cœur et sa flamme.
Billots, sacs éventrés, à vau-l'eau font vacarme.
On croit apercevoir des filous noirs de suie.
L'haleine halète et le feu sourd
sous les ongles et les paupières.
Je traverse la peau des autres
et je serre l'instrument bleu
que ma langue aspire.
Ô moulins des mains, des bergers.
L'étrave et l'écharde
sont sœurs de lait.
Le dieu dans la bouche
est mon sifflet d'ivoire.
L'haleine est feu d'herbe : en silence, je lève le bras, je parle ou je marche. Étrave qui me suit.
Bel ami d'hébétude.
Avancée du pied, du genou : le buis tourne, et l'âne, au jardin des ânes, est le bon dieu de tous.
Petits mots : poivres, moineaux.
L'haleine à fleur de peau
court la prétentaine.
Dès que la langue allume
sébiles, escarcelles,
nous vivons.
Le corps nous vide
en chacun de nos pas.
Le
Bien
Né se penche
et l'étang l'attire, l'embrasse.
Un seul étau broie les tempes
de qui s'habille de blanc.
Je vois ta peau mince
et, sous elle, pays de verre:
on n'ose rien toucher.
Le moindre souffle :
ton regard fragile.
Salée salive...
Coulée de gel
aux commissures des lèvres.
Bonne abondance
de jus de mûres.
Je l'appelle du tréfonds,
je la sens venir,
inonder la maison
dont je suis le furet.
Siffle salive.
Nul rouet n'abandonne
le long fil
des lèvres et des paroles.
Nul templier n'insulte
la bouche creuse, le sabot.
Le feu mince unit
ma jambe à la tienne.
La salive en petite écume est belle en elle, elle bouge à peine, elle est salive, ou vêtement léger peint sur les lèvres. À fleur de peau, je la suce.
Elle nourrit le bonheur de la langue éphémère.
J'entre un doigt
dans la bouche du dormeur.
La salive me happe,
me lèche la peau.
Un petit venin me tire
vers la calèche
que le cœur accompagne.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012