Aurore rose... mandolines crescendo,
Matinale fraîcheur des jardins du
Lido ;
Une femme qui chante à sa croisée ouverte...
Des pigeons diaprés frôlent la vague verte.
Un vendeur passe, avec de scintillants coraux ;
Rêveur, un mendiant prie en fixant les flots.
Fontaines sanglotant dans l'albâtre des vasques...
Chez un vieil armurier étincellent des casques.
Le dauphin, l'hippocampe et les lions ailés
Se tordent, écailleux, aux balcons ciselés ;
L'œil-de-paon miroitant et le lisse carrare
Se glacent de reflets nacrés de perle rare.
Rictus rapide et noir de bâillants soupiraux
Au pied d'un mur de marbre où flambent des vitraux.
Voici la
Dogana.
La gondole fantasque
Emaille sur l'eau d'or une ombre de tarasque...
Coupoles de
Ziem, palais du
Titien, Ô bleu mol et mourant du ciel vénitien !
Saint-Marc.
Un doux oiseau qui traverse la place
Vole vers moi... divine et familière audace !
Au détour du rio, couloir muet, secret,
Dans une niche, blanche de fleurs, apparaît
La
Madone aux yeux peints, en simarre de soie..
Venise de tourment, de volupté, de joie !
D'autres que moi boiront votre air doré, moiré.
Je ne reverrai plus
San-Giorgio-Maggiore...
Et par ce long canal d'azur et de topaze
Faut-il quitter, ce soir, la
Ville de l'extase ?
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012