Poèmes

À changer

par Argenty Jean

Ce qu’il y aurait à changer
Pas dans le monde ailleurs, pas dehors
Pas dans les choses du monde autres
Pas d’autres que tissés
Dans ma toile tissés
Qu’il y aurait à changer de cette toile

Je suis venu devant moi quasiment dépecé
Regarde-moi frère, celui que je suis me regarde
Me regarde comme en ce lieu mystique du vase
Me regarde interrogeant l’ombre
Le fil projeté
Qu’il y aurait à changer de cette ombre

De ce fil se pourrait-il juste de lui
Fil de la Vierge volant à travers le ciel
Y aurait-il à changer de mon regard
Non pas sur toutes choses
Non pas sur l’ailleurs
Sur mon portrait dans le miroir

À vouloir changer le monde s’use l’as de cœur
Qu’il y aurait à changer quelque chose
Autre chose que ce qui penche
Autre chose que ce qui plie
Autre chose que la chanson des peuples
Faudrait-il connaître ce qui doit

Par Dieu connaître par le fait de la prière
Le mouvement des choses qui s’embrassent
Qui s’embrasent aussi allumées par les mots
Pour quelle rupture je me suis levé
Mis en route pour quelle destinée
Pour quelle destinée je suis mort

Faudra-t-il que je dise ce qui doit changer
J’étais facteur, je me ferais lettre
C’est moi qui serais porté plié
C’est de moi qu’on dépliera le corps
Par qui cela arrivera-t-il
Doit-il être un autre que moi-même

Je me déplierais, car je suis aussi lecteur
Je lirais dans mes crevasses l’histoire
Non pas des choses du monde
Mais de mes choses je le fais
Déjà levé tôt pour contempler le ciel
Mon âme est pendue au fil de la Vierge

Comme à son fils lentement qui se déplace
Légèrement posé sur les vitraux tranchants
Il marche à peine sans plus d’émois
Pour sa souffrance qu’il offre aux vents
Est-ce le Christ qui doit changer
Misère de cet amour abandonné en croix

Encore une géométrie de gémissement
Pourquoi l’a-t-il abandonné pour quoi
Par quoi les agneaux de Dieux aiment-ils
En suis-je parmi les hommes
En retard j’arrivais
Mais j’arrivais toujours avec ma question

Que me faut-il vouloir changer pour deviner
Il aurait fallu que je sois porteur
J’aurais dû porter ma question
Pourtant le monde n’en a que faire
L’intéresse la réponse et son marc
Son eau de vie et son lit brûlé

Quels sont les points de ce travail
Réponses toutes piquées sans machine
À la main avec le doigt au sang
Il y aurait plusieurs sortes de dé
Certaines ne retiennent pas les réponses
Elles fuient le long de la ligne

Il n’y a de sens que le sang au bout des doigts
Je croyais être venu pour cela
Mais je me suis trompé quant au Christ
Je ne savais pas mon Dieu je ne savais pas
Trop petit garçon je me suis déjà perdu
J’étais en croix et je demandais ma mère

Le sang du doigt qui pointe le travail
Qui te dis que c’est par là que ça profite
Ce qui te dit et te mens tous les jours
C’est de cela qu’il faut changer la couleur
La trame et les couleurs mélangées
Mais il n’y a pas de peintre

Faut-il changer le paysage dans lequel je fus
Jadis est un mot familier
Ses tons et ses mirlitons
Ses fanfares de ciels bleus avec du vent
Ses toits de tuiles en canal qui chauffent
Faut-il nettoyer le soleil dans la mer

Et si je voulais rien changer au fond
Jésus tomberait de sa croix, mal fixé
La Vierge vendrait son corps
Saint Jean se masturberait sur la place publique
Si je voulais rien changer
Mais il se tient à bouillir dans ce creuset

Ce n’est tout bonnement pas possible
Qu’aucun poisson ne surgisse de l’eau
Avec des yeux de merlan vivant
Il y aura des milliards de poissons volants
Ils tisseront ensemble le voile
Un voile d’écailles multicolores

Je me tiendrais de ce fait au bord du monde
Prêt à basculer dans un non-étant
Je pendulerais avec une certaine joie
Il y a de la joie d’osciller près de l’Enfer
Dieu connaît mon dos mieux que moi
Il sait y sentir la démoniaque rondeur

Ce que je veux changer n’est guère plus
Qu’une vertèbre
C’est déjà un fantastique changement
La vertèbre est là qui attend la mutation
Du vers de ténèbre en verbe de thé
Le thème de l’infusion renaît de mes cendres

Contempler devra devenir ce qui reste
Les résidus de la volonté
Le désir volé de la lettre coupée
Contempler annulera le miroir courbe
Le miroir et le vase et ses fausses fleurs
Je veux changer le vouloir en mots

Dieu est ce qui contemple les mots
Et rien ne fait que vider les lieux
C’est la raison même des lapsus et des rêves
D’être à Dieu présentés
Pour déterminer le changement la mutation
Le reste pour le temple

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