J'ai un grand voyage à faire :
Par delà les horizons
Fuit la route ardente et claire,
Poudre d'or jaune, poussière,
Parmi l'or vert des moissons ;
Elle s'échappe, matinale,
Du baiser bleu de la forêt ;
Celle qui la croise dévale,
Rit au fleuve et disparaît ;
A la prendre à contre-brise,
On irait, peut-être, au ciel ?
Par la porte d'azur qu'irise
L'aube des faîtes éternels...
O le beau, le grand voyage !
N'es-tu prêt, mon cœur trop sage ?
Maint est mort qui demeura
Hésitant au carrefour...
Beau voyage des
Amours,
Je ne sais qui le fera...
J'ai un grand voyage à faire ;
Cœur, ô mon cœur, viens, faisons route ;
Choisis l'ombre ou le ciel clair,
Prends ta foi et prends ton doute ;
Faisons hâte, le temps nous gagne !
Viens, à travers bois ou plaine,
Descendons vers la rivière,
Gravissons, à perdre haleine,
Marche à marche, la montagne...
Ah ! que tardes-tu, cœur tendre ?
L'Heure n'a que faire d'attendre ;
Vois ! elle s'est levée ; lève-toi !
Marchons, courons... mais, déjà.
Tu regardes en arrière...
Ah !
Le beau voyage à faire.
Je ne sais qui le fera.
J'ai un grand voyage à faire
—
Mon cœur, c'est bien des affaires —
L'Heure s'en fut en un jeune rire ;
Du baiser de sa bouche ma lèvre brûle encore !
J'ai fait un pas vers elle et n'ai su que lui dire ;
L'Heure jeune s'en fut et tu battais si fort,
O mon cœur solitaire,
Que le regret est pire,
Bien que doux amer,
Que ne fut jamais le remords !
Pourtant, cette nuit et cette ombre recèlent
Le douteux avenit auguste et sidéral ;
Son mystère est ardent d'une pluie d'étincelles,
Et ton désir s'assoiffe à son baiser fatal ;
Ton orgueil, s'il rougit, ne se mirera pas
Au rêve enténébré qu'ondule la rivière ;
Tu mêleras ton pas au bruit d'un autre pas ;
La nuit, bandeau d'amour, enveloppe la terre ;
Pour l'étreinte hasardeuse, une main dans la nuit
S'est tendue, et voici qu'elle effleure ta bouche,
Et l'aveugle destin sous la nuit s'accomplit :
Etreins ta joie ; au loin l'aurore s'effarouche ;
Le jour monte ; la plaine et la forêt se joignent ;
La rivière enlaçante et la fière montagne
Ne font qu'une en ce rêve ardent de paysage...
La
Route, aventuriers, vient au-devant de vous
Le beau voyage à faite, ô mon cœur, le
Voyage,
C'est la
Vie et l'Amour qui le feront en nous !
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012