Poèmes

Voix D'ionie

par Francis Vielé-Griffin

J'ai un grand voyage à faire :

Par delà les horizons

Fuit la route ardente et claire,

Poudre d'or jaune, poussière,

Parmi l'or vert des moissons ;

Elle s'échappe, matinale,

Du baiser bleu de la forêt ;

Celle qui la croise dévale,

Rit au fleuve et disparaît ;
A la prendre à contre-brise,
On irait, peut-être, au ciel ?
Par la porte d'azur qu'irise
L'aube des faîtes éternels...
O le beau, le grand voyage !
N'es-tu prêt, mon cœur trop sage ?
Maint est mort qui demeura
Hésitant au carrefour...
Beau voyage des
Amours,
Je ne sais qui le fera...

J'ai un grand voyage à faire ;
Cœur, ô mon cœur, viens, faisons route ;
Choisis l'ombre ou le ciel clair,
Prends ta foi et prends ton doute ;
Faisons hâte, le temps nous gagne !
Viens, à travers bois ou plaine,

Descendons vers la rivière,
Gravissons, à perdre haleine,
Marche à marche, la montagne...
Ah ! que tardes-tu, cœur tendre ?
L'Heure n'a que faire d'attendre ;
Vois ! elle s'est levée ; lève-toi !
Marchons, courons... mais, déjà.
Tu regardes en arrière...
Ah !
Le beau voyage à faire.
Je ne sais qui le fera.

J'ai un grand voyage à faire


Mon cœur, c'est bien des affaires —

L'Heure s'en fut en un jeune rire ;

Du baiser de sa bouche ma lèvre brûle encore !

J'ai fait un pas vers elle et n'ai su que lui dire ;

L'Heure jeune s'en fut et tu battais si fort,

O mon cœur solitaire,

Que le regret est pire,

Bien que doux amer,

Que ne fut jamais le remords !

Pourtant, cette nuit et cette ombre recèlent

Le douteux avenit auguste et sidéral ;

Son mystère est ardent d'une pluie d'étincelles,

Et ton désir s'assoiffe à son baiser fatal ;

Ton orgueil, s'il rougit, ne se mirera pas

Au rêve enténébré qu'ondule la rivière ;

Tu mêleras ton pas au bruit d'un autre pas ;

La nuit, bandeau d'amour, enveloppe la terre ;

Pour l'étreinte hasardeuse, une main dans la nuit

S'est tendue, et voici qu'elle effleure ta bouche,

Et l'aveugle destin sous la nuit s'accomplit :

Etreins ta joie ; au loin l'aurore s'effarouche ;

Le jour monte ; la plaine et la forêt se joignent ;

La rivière enlaçante et la fière montagne

Ne font qu'une en ce rêve ardent de paysage...

La
Route, aventuriers, vient au-devant de vous
Le beau voyage à faite, ô mon cœur, le
Voyage,
C'est la
Vie et l'Amour qui le feront en nous !



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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