Si je mourais ici comme Denise est morte
Autour de mon châlit ne venez pas pleurer,
La mort d'une inconnue aisément se supporte,
Votre douleur, je crois, ne sera pas trop forte,
Je serai chaude encor lorsque vous m'oublierez.
Pourquoi viendriez-vous? Le spectacle vous tente
De visions d'horreur à décrire là-bas?
Non, je sais bien plutôt le point qui vous tourmente:
Les dépouilles! Voici la question importante;
Qui prendra ma chemise, et qui prendra mes bas?
Longtemps avant ma mort on m'aura visitée,
Pour compter et peser mes malheureux trésors,
La troupe des amis, inquiète, exaltée,
Viendra pencher sur moi une mine attristée,
Et causera partage avant d'être dehors.
Pour mes vers, je le crois, on sera très honnête,
Ils ne se mangent pas, ils ne tiennent pas chaud.
Et nul contre du pain n'en voudrait faire emplette.
On parlera d'en faire une édition complète
Et quand on les perdra on gémira bien haut.
Ah! je les vois déjà ces odieux rapaces
A dépecer les morts plus âpres et plus prompts:
Que les tristes corbeaux qui tournent dans l'espace!
Et les seuls qui m'aimaient, repoussés de leur place,
Soupireront tout bas et m'abandonneront.
(Au Revier de Neubrandebourg, 15 janvier 1944.)
Poème publié et mis à jour le: 19 November 2022