Il faudra que je me souvienne,
Plus tard, de ces horribles temps,
Froidement, gravement, sans haine,
Mais avec franchise pourtant.
De ce triste et laid paysage,
Du vol incessant des corbeaux,
Des longs blocks sur ce marécage
Froids et noirs comme des tombeaux.
De ces femmes emmitouflées
De vieux papiers et de chiffons
De ces pauvres jambes gelées
Qui dansent dans l’appel trop long.
Des batailles à coups de louche,
A coups de seau, à coups de poing.
De la crispation des bouches
Quand la soupe n’arrive point.
De ces « coupables » que l’on plonge
Dans l’eau vaseuse de baquets,
De ces membres jaunis que rongent
de larges ulcères plaqués.
De cette toux à perdre haleine,
de ce regard désespéré
Tourné vers la terre lointaine.
O mon Dieu, faites-nous rentrer
Il faudra que je me souvienne.
Poème publié et mis à jour le: 19 November 2022