La Journée des Déportés, Micheline Maurel
Poèmes

La Journée des Déportés

par Micheline Maurel

Pour Elise Simorre

Elise, vous allez ce jour dire à Toulouse
Quelques-uns de ces vers griffonnés dans les camps...
J'espère que les mots sortant de votre bouche
Ne ranimeront pas les scènes de ce temps.

Sur les baraquements c'est la nuit et la neige
Que la clarté des projecteurs fait scintiller
Immobiles, debout, en rayés bleus et beiges;
Nous sommes à l'Appel, cinq par cinq, des milliers.

Le commandant du camp agite sa cravache,
La gardienne à grands pas s'approche de nos rangs
Pour nous compter encor, encor, combien de fois ?
Nous l'attendons, les talons joints, en grelottant.

Qui va-t-elle frapper cette fois ?... Oublier,
Garder encore un peu le rêve familier,
Le retour, la maison, la chaleur et le pain !...
Les coups tombent. Ne pas gémir, ne pas crier.

Elle s'éloigne enfin dans son capuchon noir.
Au dernier rang quelqu'un sans bruit s'est effondré...
Une qui n'a plus mal, une qui n'a plus froid.
Qui sait combien de temps encore je tiendrai ?

D'un hurlement l'Ober a mis fin à l'attente.
Tous les corbeaux du bois s'élèvent en criant,
Nous arrachons nos pieds à la neige pesante,
Il faut marcher, marcher pour nous remettre en rang.

Le corps de la malade est resté dans la neige.
Il faut la laisser là où plus tard la charrette
Qui ramasse les morts viendra la ramasser.
Pour nous encore un jour vient de recommencer.



Poème publié et mis à jour le: 19 November 2022

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